L'enseignement est sans doute l'un des meilleurs miroirs de la vie française. D'abord parce qu'un certain nombre de comportements collectifs, de références, de valeurs se sont constitués à l'intérieur ou à partir de l'Ecole. Ensuite parce que s'analysent aisément à propos de l'Ecole les grands débats idéologiques qui agitent la société française d'aujourd'hui : sur la laïcité, la réalité de la démocratie, l'inexorable déclin national? Une vision moderne de la « chose politique » impose à l'esprit une relation étroite entre l'Etat et l'Ecole. En effet, l'Etat en tant qu'autorité souveraine sur un peuple et un territoire, semble posséder naturellement une mission éducatrice. Une mission rendue possible par la mise en place de l'Ecole comme institution. Mais au début du XIXème siècle, la question scolaire était encore l'apanage de l'Eglise, société fondamentalement enseignante puisqu'elle a pour mission de transmettre une révélation et non de l'Etat au rôle pédagogique tout juste balbutiant depuis la Révolution et l'Empire. A la fin de ce XIXème siècle, l'école de la IIIème République est devenu un rouage idéologique fondamental qui outrepasse largement la simple notion de service publique à l'enseignement. Comment et pourquoi l'école est devenue une affaire d'Etat ? Pourquoi l'Etat se fait-il éducateur et tend-il à centraliser les institutions scolaires ? En quoi cela a-t-il à voir avec les changements fréquents de régimes politiques et les mises en cause révolutionnaires ? De 1815 à 1914 deux grandes périodes s'imposent : de la Restauration à l'arrivée de Jules Ferry au ministère de l'Instruction publique en 1879, c'est la fin de l'ancien régime scolaire, la visée restauratrice s'impose. Vint ensuite l'ère de Jules Ferry, ou s'impose l'école de la République, une école pour la République.
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Sommaire de l'exposé
De la Restauration à 1879, c'est la fin de l'ancien régime scolaire, la visée restauratrice s'impose
L'ère de Jules Ferry : l'école de la République s'impose, une école pour la République
Extraits de l'exposé
[...] L'avancée concerne, par ailleurs principalement la scolarisation des filles. Demandons nous dès lors pourquoi une telle lutte, alors qu'aucun des pères fondateurs de la République n'était sincèrement en faveur du vote féminin et qu'il faudra attendre 1944 pour que celui-ci soit autorisé. Certes les femmes ne votent pas, mais les républicains sont convaincus que si les hommes font les lois, les femmes font les m?urs. La création prioritaire des écoles normales féminines est le corollaire obligé de cette priorité : l'ENS de Fontenay- aux-Roses sera créé en juillet 1880, soit deux ans avant son homologue masculine de Saint-Cloud ! [...]
[...] La spécificité française résida alors dans l'élaboration d'une école pour l'Etat et non une école d'état. L'Etat a donc bien centralisé les institutions scolaires en obéissant à une finalité utilitaire. Utilité de posséder une institution vitrine du régime en place, utilité de l'homme citoyen, utilité d'un enseignement qui permet une certaine cohésion de la Nation, enfin utilité de réaffirmer le rôle de l'Etat face aux prétentions séculaires de l'Eglise. L'école a trouvé dans ce XIX siècle un rôle institutionnel qui consiste moins dans la dispense d'un savoir élémentaire tel que le définissait Condorcet que dans la formation de comportements sociaux. [...]
[...] Par exemple, le certificat d'étude ne remplit pas les mêmes fonctions selon le groupe social considéré. En outre, les chances d'accès au primaire supérieur sont très différenciées selon les catégories sociales : les enfants d'ouvriers y sont nettement sous représentés. Aussi on ne peut s'empêcher de penser le dispositif scolaire de la IIIème République sur le mode d'une dichotomie simple selon laquelle on aurait un pôle scolaire tendanciellement dévolu aux bourgeois (le secondaire) et un autre pôle scolaire tendanciellement dévolu aux prolétaires (ordre du primaire). [...]
[...] Victor Duruy, Ministre de l'Instruction publique de 1863 à 1869, libre penseur jusqu'à la moelle profita du passage des catholiques dans l'opposition (autour de l'unité italienne et de la question romaine) pour lancer un projet d'éducation parallèle des filles, des sortes de cours du soir où même les mères sont conviés. Ce projet déchaîne la colère des évêques et de toute la société bien-pensante. Une autre tentative significative de modernisation de l'école par les pouvoirs publics fut celle de Jules Simon. [...]
[...] C'est l'apparition d'un nouveau mot d'ordre d'origine radicale : A école privée, fonds privées ; à école publique, fonds publiques Avec la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905, le clergé à les coudées franches : le curé peut reprendre les anathèmes fulminés contre l'école publique perverse, néfaste, diabolique Mais le vrai débat est celui de l'école unique : l'enseignement français et toujours fondé sur l'opposition entre un primaire destiné au peuple et un secondaire qui n'en est absolument pas le prolongement. La dualité public-privé, finalement externe à la République, la dualité primaire-secondaire elle est un problème interne à la République dans la mesure où il met en exergue les contradictions de son idéologie. [...]