L'historiographie de la Révolution française depuis le XIXème siècle
Résumé de l'exposé
L'intérêt pour l'histoire n'est pas immémorial. Il suppose quelques conditions qui consacrent l'importance du devenir. Les cultures anciennes pensaient le temps comme cyclique, marqué par la répétition des rythmes naturels et des rites sacrés. L'esprit historique s'instaure à l'inverse par la conviction que ce que font les Hommes est décisif pour la suite des temps. Pourtant, ce n'est que bien plus tard, au XVIIIème siècle, que naît l'intention d'exactitude dans la restitution des faits, lié à la conviction que le sens que nous voulons donner à nos actes n'est toutefois pas donné mais à produire, et dépend donc de nos engagements, qui sont eux-mêmes fonctions de nos valeurs. La Révolution française est un lieu privilégié de la mémoire collective fondateur des valeurs républicaines, mais aussi révélateur des divisions politiques. Elle reste un sujet « brûlant d'actualité ». « Un seul instant a mis un siècle de distance entre l'Homme du jour et du lendemain » : la formule est de Condorcet et signale de façon frappante la fracture historique générée par la révolution française. L'histoire de la Révolution française a donné lieu à de multiples débats idéologiques entre historiens. Elle est - et reste - un champ d'études en constant renouvellement, qui a fait l'objet de nombreuses lectures et interprétations divergentes que nous nommons historiographie.
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Sommaire de l'exposé
L' école jacobine-socialiste
La vision libérale
L'optique contre-révolutionnaire
Extraits de l'exposé
[...] Il est rejoint sur cette vision par Albert Soboul. C'est au sortir de la Seconde Guerre Mondiale que ce dernier, tout en rendant hommage aux historiens tels que Lefebvre, va, à la tête de tout un mouvement, relancer le processus de recherches sur la Révolution, approche plutôt économique et sociale, le tout dans une optique résolument marxisante[10], à travers laquelle il met en relief l'hétérogénéité de la Sans-Culotterie, dont les assises sociales n'étaient selon lui pas uniformes. On peut dire que cette école, qualifiable de ?jacobine?, a proposé une vision de la Révolution comme celle de la bourgeoisie, soutenue par le peuple : l'originalité de la Révolution française tient là, dans le fait qu'elle soit l'addition des révoltes bourgeoises, urbaines et paysannes. [...]
[...] On séparera cette étude en trois parties ; tout d'abord, sous le régime de Louis-Philippe, puis au moment du centenaire de la révolution, et enfin après le bicentenaire, les anniversaires relançant à chaque fois le débat. Le régime de Louis-Philippe, tout d'abord, engendre de nombreuses désillusions, et les revendications démocratiques renaissent ; revendications qui éclateront à travers les révolutions de 1848. Ainsi, des historiens plus radicaux, en la rapprochant notamment -et un peu paradoxalement peut-être du christianisme, vont relire la Révolution de 1789, afin de servir leurs idées. [...]
[...] Ainsi dès 1789 l'abbé Barruel publie Le patriote véridique ou Discours sur les vraies causes de la révolution. Il s'inscrit alors dans un courant visant à dénoncer ce qui leur semble être les véritables intentions du nouveau gouvernement et qui présente la révolution comme une punition divine due à la démission des élites face aux philosophes. Barruel commence ainsi à énoncer la thèse du complot[17], selon laquelle la Révolution serait un grand complot fomenté par les philosophes et la franc-maçonnerie. [...]
[...] Ainsi, la Révolution devient alors le fruit de son siècle et de la prospérité de la bourgeoisie. C'est 1789 qui a préparé l'avènement du prolétariat, les prolétaires désirant en effet reprendre le pouvoir. Cette théorie permet aux socialistes de reprendre à leur compte cet événement fondateur de la vie politique française, et de s'affirmer comme des représentants nationaux, et non plus de simples marginaux. Jaurès se distingue cependant d'une vision entièrement marxiste, puisqu'il est le défenseur d'une démocratie républicaine et sociale, et non d'un avènement du prolétariat La Révolution russe de 1917 entraîne l'analogie et réveille le débat, comme le souligne Mathiez en 1920[6]. [...]
[...] Simonde de Sismondi, exilé en Toscane, pays de ses origines, fera part[15] d'une vision assez proche de ces libéraux, considérant la Révolution comme le fruit d'un absolutisme qui a démarré dès Louis XI ; il admet cependant que l'esprit abusa de sa liberté au cours des évènements. C'est en 1875 qu'Hippolyte Taine reprend le flambeau de ces auteurs[16], cherchant à comprendre l'origine des deux grands malheurs nationaux que la France vient de connaître (la Commune et la défaite de 1871). Il y critique assez violemment la Révolution, se rapprochant même un peu par là des contre-révolutionnaires, considérant qu'il s'agit surtout de man?uvres jacobines, manipulant le peuple. Il reprend son procès contre la pathologie jacobine dans La Révolution. [...]