Quelle est l'importance du clivage religieux dans les systèmes de valeurs politiques en Europe ?
Résumé de l'exposé
On n'a qu'à feuilleter quelques instants les livres d'histoire de l'Europe ou de la France pour constater qu'il n'y a pas si longtemps, on conjuguait pouvoirs religieux et pouvoirs politiques en un même temps et en une même personne. Le roi Louis IX, qu'on appelait également Saint-Louis, voulait faire de la France « la fille aînée de l'Église ». État, politique et religion ne faisait qu'un. Saint-Louis n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
La séparation des pouvoirs religieux et des pouvoirs étatiques, la laïcité de l'État et la sécularisation ont bouleversé les paysages politique et religieux des sociétés européennes modernes. Malgré ces changements parfois radicaux, les sciences sociales n'ont cessé de considérer la religion comme un facteur central de l'analyse des sociétés et de leur évolution. L'importance du clivage religieux dans les systèmes de valeurs politiques en Europe est une de ces questions que l'on aborde pour tenter de voir comment et de quelle manière la religion vient influencer les valeurs politiques des citoyens. Ce sera la question centrale de ce texte.
Dans une première partie, nous aborderons directement les liens entre la religion et les valeurs politiques. Nous nous pencherons dans cette section sur les liens entre certaines orientations idéologiques et politiques et l'explication de leurs fondements ou de leurs causes, notamment par deux clivages religieux. Dans un second temps, il sera question de la pérennité de la question religieuse dans sa relation avec les valeurs politiques. Le déclin de l'influence des grandes institutions religieuses nous pousse à nous questionner à savoir si la « variable religion » sera toujours pertinente dans l'évaluation des systèmes de valeurs politiques dans un avenir plus ou moins rapproché.
...
Sommaire de l'exposé
Religion et politique : deux clivages qui en disent long
Politisation et participation politique
Attitudes matérialistes et postmatérialites et orientation gauche-droite
Quel avenir pour la religion dans l'étude des valeurs politiques ?
Montée de l'individualisme : quelle religion ?
Quand l'Église recule
Extraits de l'exposé
[...] Les athées ou sans religion sont caractérisés par un postmatérialisme beaucoup plus fort que les adeptes des religions. Une fois l'âge et le niveau d'éducation isolé, ces deux facteurs étant intimement liés au degré de postmatérialisme, les données démontrent bel et bien que ceux qui ne sont pas adeptes d'une religion se sont véritablement identifiés aux attitudes et valeurs postmatérialistes dans les choix qu'ils ont faits lors de l'étude. Une fois de plus, le clivage adeptes d'une religion/sans religion est retenu comme utile dans l'analyse des valeurs face aux orientations sociales ou politiques. [...]
[...] Si une personne X se dit croyante et pratiquante selon ses propres critères et normes, une personne Y pourrait bien se dire également croyante pratiquante mais dans un attachement plutôt classique à une institution religieuse comme l'Église catholique. Il devient alors difficile d'analyser un système de valeurs politiques en sachant que les groupes étudiés, dans ce cas, les croyants pratiquants, sont composés d'éléments très hétérogènes Quand l'Église recule Dans Idéologies, valeurs, cultures[11], Jean-Marie Donegani, explique que l'Église subit une perte d'autorité dans la sphère privée. Un phénomène que l'on observe plus spécifiquement dans les domaines de la famille, de la sexualité et de la politique. [...]
[...] Le constat dégagé des chiffres étudiés est similaire à celui de la politisation. Aucune variation significative n'est démontrée entre la participation des catholiques ou des protestants. Par contre, les sans religions et les athées, peu importe le pays d'origine ou l'âge des sondés, participent plus fortement à la politique que ceux attachés à une religion Attitudes matérialistes et postmatérialites et orientation gauche- droite Dans cette sous-partie, on traitera d'abord des attitudes matérialistes et post-matérialistes telles qu'établies par le politologue et sociologue Ronald Inglehart[5]. [...]
[...] L'Église est donc perçue comme un des acteurs pluriels d'une société où les valeurs de démocratie libérale sont acceptées. Cette perte d'influence de l'Église dans un domaine privé comme celui des choix politiques pourrait éventuellement ne pas se traduire significativement dans les données d'autres enquêtes similaires à la European Values. Conclusion Que penser de toutes ces observations ? Dans une première partie, nous avons retenu que les clivages protestants/catholiques et adeptes d'une religion/sans religion sont utiles et significatifs dans l'analyse des systèmes de valeurs politiques en Europe. [...]
[...] Une des difficultés qui est à prévoir est certainement d'être capable de dissocier clairement l'influence de la religion sur les valeurs politiques, de l'influence du bagage culturel et historique d'un pays, souvent fortement imprégné par une culture religieuse donnée. Pierre BRECHON, Les valeurs politiques en Europe :effet du contexte national et des attitudes religieuses, Archives des sciences sociales des religions pp. 99-128. EUROPEAN VALUES STUDY, http://www.europeanvalues.nl, [En ligne]. Pierre BRECHON, op. cit., p Ibid., p Ronald INGLEHART, Values in industrial societies, American political science review pp. [...]