Les socialistes et les contraintes de la démocratie libérale sous la IVe République (1946-1958)
Résumé de l'exposé
D'après l'analyse de Marc Sadoun, le socialisme en France se bâtit sur "l'entre-deux" de la démocratie française qui allie légitimité jacobine, avec souveraineté populaire incarnée sans division par l'autorité publique, et légitimité libérale, avec représentation de la pluralité des opinions. Il cumule donc les paradoxes de la démocratie française dans la mesure où il tente de conjuguer la légitimité de la démocratie parlementaire et le désir d'unité de la société. Mais, dès lors qu'il s'agit de dépasser cette utopie ambitieuse et d'exercer un rôle politique actif, des choix s'imposent. Ainsi, avec l'acceptation des responsabilités du pouvoir dès 1946, les socialistes devaient se départager, d'autant plus que le contexte mouvementé de la IVe République imposait des prises de position précises. Et c'est Blum qui trancha la question, et ce, dès le 27eme congrès socialiste de Bordeaux, en déclarant que le progrès social ne pouvait se concevoir en dehors du progrès de la démocratie. Dès lors, les choix étaient faits: La présence des socialistes au pouvoir se faisait condition sine qua non du maintient de la démocratie libérale tout comme l'inverse. Mais, devenus les héraults du régime, comment les socialistes allaient-ils articuler leur place dans les Institutions politiques et la protection de leur identité?
Nous verrons donc à travers cet exposé que l'inscription du parti dans le système pour sauver la IVe République passait par l'abandon du principe de la vérité absolue du socialisme, et que dès lors, l'effacement de sa spécificité était inévitable malgré les tentatives de préservation de celle-ci.
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Sommaire de l'exposé
L'abandon du principe de la vérité absolue du socialisme
L'effacement de sa spécificité était inévitable malgré les tentatives de préservation de celle-ci
Extraits de l'exposé
[...] La SFIO était devenue un parti de régime. Elle ne représentait plus les seuls militants socialistes et preuve en était par exemple le phénomène du " national-mollétisme " où presque toute la nation s'accordait sur la politique suivie en Algérie, ou encore le fait que, sentant l'opinion publique réticente à l'égard de la CED, les socialistes, qui en principe y étaient plutôt favorables, changèrent d'opinion. En outre, les hommes politiques socialistes au pouvoir étaient de plus en plus autonomes vis-à-vis du parti, tel Vincent Auriol, premier Président de la République, ou les autres hommes qui occupaient le devant de la scène politique et qui n'appliquaient pas les motions votées par le congrès. [...]
[...] Cette fragilité se manifestait également au niveau de son électorat qui, très hétéroclite, réunissait classes populaires et classes moyennes, membres de la petite et moyenne bourgeoisie. Ainsi, le parti ne pouvait se risquer à mener une politique nouvelle et se trouvait dans une position inconfortable, contraint à l'immobilisme ou tout du moins à de nombreux compromis: Par exemple, en matières économique et financière, même si les socialistes n'occupaient pas les postes dits techniques lors du tripartisme, ils cautionnaient par leur appui une politique libérale aux antipodes de l'esprit de la Résistance et de la Libération et, face à la défense initiale d'un interventionnisme étatique auquel obéissaient les nationalisations massives, ils se virent obligés à porter une action sur le blocage des prix et des salaires. [...]
[...] Puis, pour les élections législatives de 1956, socialistes, radicaux, MRP et certains républicains sociaux formèrent le Front républicain. Toutes ces coalitions engendraient des accusations d'opportunisme vis-à-vis des socialistes qui acceptaient tantôt de s'allier aux communistes, tantôt aux radicaux, plaçant de la sorte la SFIO dans une situation fragile: D'une part elle ne pouvait rejeter ces partis compte tenu des nécessités de défense du régime. D'autre part elle ne pouvait les absorber puisque chaque parti tenait à préserver son identité. Finalement une alliance forte était exclue vu les désaccords amplifiés par le glissement à droite du MRP. [...]
[...] Ils ne purent mener de véritable politique socialiste que sur le plan social justement, et sur la construction de l'Europe communautaire. Ce fut l'expérience du pouvoir qui les épuisa, et Guy Mollet le comprit bien, en décidant de se faire renverser sur un vote financier en mai 1957 pour préserver l'unité de son parti en le tenant à l'écart du gouvernement. Ils devraient alors attendre jusqu'au congrès d'Epinay en 1971 pour reprendre le dessus et jusqu'en 1981 pour accéder à nouveau au pouvoir. [...]
À propos de l'auteur
Histoire contemporaine : XIXe, XXe et XXIe
Les socialistes et les contraintes de la démocratie libérale sous la IVe République (1946-1958)