Penser la Grande Guerre (Antoine Prost, Jay Winter)
Résumé de la fiche de lecture
Les auteurs repèrent trois "configurations historiographiques" de la première guerre mondiale: une militaire et diplomatique, une sociale puis une culturelle et sociale. Ils étudient cette évolution et son application à divers sujets: les causes et buts de guerre, le commandement, les tranchées, l'économie de guerre, la révolution, l'arrière et la mémoire.
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Sommaire de la fiche de lecture
Trois configurations historiographiques
La première configuration : militaire et diplomatique
La seconde configuration : sociale
La troisième configuration : culturelle et sociale
Pourquoi et pour quoi la guerre ? Cabinets et ambassades
La querelle des responsabilités
De l'histoire diplomatique à l'histoire des relations internationales
Qui commande et comment ? Quartiers généraux et ministères
La première période : des histoires héroïques
La seconde période : une histoire du commandement
L'histoire militaire renouvelée ?
Qu'est-ce que faire la guerre ? Tranchées
Une histoire de la guerre sans combattants
La réintégration des combattants
Les combattants à la question
Comment faire une guerre industrielle ? Economies
L'entre-deux-guerres : les politiques économiques de guerre
La deuxième période : guerre, économie d'entreprise et ordre international
Circulation : des interprétations alternatives
Guerre ou révolution, guerre et révolution ? Usines
1919-1965 : une histoire politique
1965-2000 : de l'histoire politique à l'histoire sociale
Pourquoi les civils ont-ils tenu ? L'arrière
Les années 1920-1930 : les masses en guerre
Les années 1960-1970 : la société et ses structures
Les années 1980-1990 : les cultures de guerre, une reconfiguration
Comment vivre quand on ne peut ou ne veut oublier ? Discours
L'autorité de l'expérience 1918-70
L'autorité de l'histoire
Penser la Grande Guerre
Peut-on dépasser le cadre national ?
Trois générations d'historiens face à la guerre
Trois conceptions d'une même guerre
Extraits de la fiche de lecture
[...] van Creveld, Command in War, 1985), ainsi que de la collaboration entre militaires et civils (F. Bock a montré en 2002 comment le travail des commissions parlementaires françaises avait permis le développement décisif de l'artillerie lourde, négligée par le ministère de la Guerre) Pétain revisité G. Pedroncini défend en 1989 les conceptions révolutionnaires de Pétain : contre Foch, celui-ci a en effet adopté la tactique de la flexibilité du front appuyée sur une double ligne : c'était franchir la barrière symbolique de l'abandon d'une partie du territoire, mais pour mieux mener la contre-offensive ensuite, ce qui s'est effectivement produit en 1918. [...]
[...] Pourquoi l'armée avec la plus forte conscience de classe est-elle la seule à n'avoir pas connu de mutineries ? Pour Dallas et Gill (1985), il y a bien eu une émeute de soldats britanniques, canadiens et australiens contre des policiers militaires à la base d'Etaples en septembre 1917, mais les soldats sont rentrés d'eux-mêmes au camp et n'ont pas affecté l'emploi des troupes à la bataille de Passchendaele. Pour Fuller (1990), il y a transfert d'une indiscipline loyale propre au monde ouvrier sur le front. [...]
[...] Ailleurs, les grèves suivent une croissance exponentielle à partir de 1917-18, jusqu'à prendre un caractère révolutionnaire. Trois types d'explications ont été avancés L'interprétation sociologique Les modifications de la structure de la classe ouvrière. L'afflux de ruraux, de jeunes et de femmes dans les usines (moins disciplinés aurait fournit les troupes aux révolutions et aux grèves. En fait, Haimson a montré que les ouvriers révolutionnaires russes sont de souche ouvrière et citadine (le quartier, central dans l'insurrection, de Vyborg, est un haut lieu de l'identité ouvrière : forte proportion d'ouvriers nés dans la capitale, surreprésentation des hommes et haut niveau d'instruction). [...]
[...] Cette nouvelle configuration accompagne également une ère des commémorations où chaque acteur social se construit une identité par le rappel des origines : l'histoire de la guerre est patrimonialisée Culture-domaine et culture-paradigme Cette patrimonialisation crée de nouveaux documents historiques : cartes postales (Huss, 2000), monuments, graffitis, ex-voto, jouets (dont Mosse montre le rôle de banalisation de la guerre). Au-delà des objets, de nouveaux domaines s'ouvrent : l'art, la science, la médecine, la littérature. Le questionnement se porte sur comment les hommes ont ressenti la guerre (qui est devenue l'incompréhensible cf. Duroselle) et comment celle-ci a constitué la matrice d'un siècle barbare. [...]
[...] Mais la majorité des ouvrages sont des épopées, écrites par des personnes qui ne sont ni universitaires, ni militaires, ni politiques, et qui se destinent à un public strictement national : Gabriel Hanotaux, par ex. (1920) ne traite du côté britannique des batailles que comme d'un aspect mineur des opérations françaises La guerre et l'identité nationale Gabriel Hanotaux (1920) : Cette guerre apparaît comme l'erreur et le châtiment d'un peuple sans volonté qui, au nom d'une fausse discipline et en raison du caractère exclusivement matérialiste de sa politique et de son "organisation" s'était abandonné aux mains des bureaucrates, des pédants et des traîneurs de sabre. [...]