Commentaire composé: "Le Colonel Chabert" de Balzac - Page 35 ("Monsieur, dit le défunt...") jusqu'à page 37 ("..., je crois, catalepsie.")
Résumé de l'exposé
"J'ai maintes fois été étonné que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur ; il m'avait toujours semblé que son principal mérite était d'être visionnaire, et visionnaire passionné." disait Baudelaire en parlant de son contemporain. En effet, si Balzac avait pour but de faire le portrait de toute une époque, la sienne, et d'en montrer ses effets, ses causes et ses principes, les quelques deux mille cinq cents personnages ou groupes de personnages qui composent - au fil des quatre-vingt-onze romans achevés - la Comédie Humaine, sont fictifs. L'écrivain, de la veine des réalistes, pouvait aisément retranscrire une ambiance et transposer des événements réels dans ses romans. Mais il n'en reste pas moins que cette observation des choses et des gens, qui se traduit par de minutieuses descriptions et une connaissance parfaite des sujets abordés, s'accompagne inévitablement de l'imagination, sans quoi ses écrits n'auraient pas la puissance qu'on leur accorde aujourd'hui
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Sommaire de l'exposé
Le récit de la ?mort' à Eylau
Le processus de reconquête d'identité de Chabert face à Derville
Un vestige de l'armée napoléonienne dans le nouveau monde de la restauration
Extraits de l'exposé
[...] Il est conscient de la gravité de son affaire et de la bizarrerie de son histoire. Parler est pour lui l'occasion de se poser comme une personne. Cette prise de conscience de son individualité se traduit par les termes qu'emploie le narrateur pour le définir : au début de son récit, Chabert est un "défunt", puis, il devient le "client" pour Derville, qui ne le prend déjà plus pour un fou, et enfin, quand l'avoué le regarde fixement, il est redevenu "colonel". [...]
[...] En fait, quand il est sorti de la fosse sanglante, il est né une nouvelle fois, mais ce pour mieux mourir. Il est comparable au Sigismond de Calderon, dans La Vie Est Un Songe. Ce dernier, enfermé dans une tour, en ressort l'espace de peu de temps pour prendre sa place de prince, mais il retournera dans son cachot, tel un miséreux, après avoir goûté à la gloire. Le colonel, lui aussi, naît malheureux dans un hospice d'enfants trouvés et, après avoir connu le mérite d'une carrière brillante, retourne à l'hospice, mais cette fois pour les vieillards. [...]
[...] Peut-être que le revenant anticipe cette duperie venant de sa femme, puisque c'est bien d'elle qui parle quand il dit "je vous parlerai de mes malheurs plus tard". En plus, le lieu est significatif, puisque Chabert va être soumis à la loi, et c'est à cause d'elle qu'il va perdre à jamais son identité. Chabert n'est pas le seul personnage de la Comédie Humaine a être tombé dans la déchéance après avoir occupé une place importante. Le père Goriot, lui, était un riche négociant qui se ruina pour ses filles, se priva par amour et devint "un septuagénaire hébété, vacillant, blafard." On peut s'interroger sur tant de pessimisme, tant de volonté chez Balzac de peindre la laideur de l'indigence. [...]
[...] Il "commandait un régiment" et a "été pour beaucoup dans le succès de la célèbre charge que fit Murat, et qui décidé du gain de la bataille." Ce même Murat est venu au secours de Chabert d'une manière particulière puisqu'il lui est passé sur le corps. On relèvera peut-être une marque d'ironie de l'auteur, ou peut-être de naïveté de Chabert. Ce dernier, avec un certain orgueil, prétend même que l'empereur lui est "redevable de cette vigoureuse attaque". Plus qu'un grand homme, le colonel Chabert apparaît ici comme un militaire exceptionnel. [...]
[...] De plus, il sait l'opinion que les gens ont sur lui et reste humble malgré l'affront que lui font les avoués qui le prennent pour un fou. Chabert, même s'il a été gradé, sait s'abaisser, ce qui est sûrement dû à ses origines défavorisées. Il sait faire preuve d'une grande humilité, ce qui le perdra. S'il ne cherche pas à s'apitoyer sur son sort, c'est peut-être car il est conscient de la chance qu'il a d'être enfin écouté. Il ne veut pas rater l'occasion qu'il "après cent démarches infructueuses chez des gens de loi qui ont tous pris pour un fou". [...]