Dans quelle mesure la nouvelle historique permet-elle de comprendre les hommes et les mécanismes de l'Histoire ?
Résumé de l'exposé
Dans "Le Siècle de Louis XIV", paru en 1751, Voltaire désigne Saint-Réal comme un "Salluste français". Cet historien et romancier avait adopté la méthode historique de Salluste, s'efforçant de trouver des causes aux événements politiques et d'expliquer les motivations des acteurs. Dans son ouvrage "De l'usage de l'Histoire" publié en 1671, il explique : "[?] savoir l'Histoire, c'est connaître les hommes, qui en fournissent la matière". Saint-Réal a une vision profondément humaine de l'Histoire ; pour lui, l'étudier revient à étudier ceux qui la construisent, c'est-à-dire les hommes, leur comportement et surtout ce qui les a poussés à agir ainsi, leurs motivations, et bien souvent leurs passions.
Il s'agit donc de connaître et comprendre les causes pour comprendre les conséquences. La nouvelle historique, quant à elle, s'attache à des termes galants et expose les passions de personnages authentiques dans un cadre historique. On peut donc la rattacher à l'Histoire, pour autant, elle comporte tout de même des éléments romanesques qui peuvent altérer sa véracité historique. Nous pouvons donc nous demander dans quelle mesure la nouvelle historique permet de comprendre les hommes et donc les mécanismes de l'Histoire.
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Sommaire de l'exposé
La mise en avant du contexte historique et l'analyse des personnages
La disparition de la vérité historique au profit des ressorts romanesques
Le portrait d'une époque
Extraits de l'exposé
[...] Dans quelle mesure la nouvelle historique permet de comprendre les hommes et les mécanismes de l'Histoire ? Dans Le Siècle de Louis XIV, paru en 1751, Voltaire désigne Saint-Réal comme un « Salluste français ». Cet historien et romancier avait adopté la méthode historique de Salluste, s'efforçant de trouver des causes aux évènements politiques et d'expliquer les motivations des acteurs. Dans son ouvrage De l'usage de l'Histoire publié en 1671, il explique : « [ ] savoir l'Histoire, c'est connaître les hommes, qui en fournissent la matière ». [...]
[...] Cela permet à un lecteur actuel de comprendre ce vers quoi la société de l'époque voulait tendre : la beauté, la vertu, la galanterie. Si les auteurs déforment l'Histoire, c'est également dans un but didactique. Dans un premier temps, ils veulent donner un aspect moral à leurs histoires. Saint-Réal était par ailleurs un moraliste, aussi la version très romancée qu'il expose de la vie de Dom Carlos lui permet de mieux faire passer son message ; à la manière d'un conte, le message est mieux intégré s'il est communiqué à travers une histoire. [...]
[...] Le comte de Chabanes, lui aussi amoureux de la princesse, se sacrifie en se faisant passer pour l'amant lors d'une péripétie nocturne afin de préserver la princesse et le duc. Ce dernier, de retour à Paris, tombe amoureux d'une autre femme, ce qui fera mourir de chagrin la princesse de Montpensier. Le récit est donc centré sur les intrigues entre les protagonistes et sur les protagonistes eux-mêmes plutôt que de se concentrer sur les faits. Ainsi, les auteurs, plutôt que de se mettre au service de l'Histoire, mettent cette dernière à leur service, ou plutôt au service de leur nouvelle, voire modifient celle-ci afin de mieux servir leurs objectifs. [...]
[...] Le format de la nouvelle implique également une certaine romance. Si celle- ci fusionne avec l'Histoire pour donner un air authentique au récit, une part d'invraisemblable subsiste dans les nouvelles. Cela s'observe d'abord sur les personnages, qui malgré leur statut historique sont idéalisés par les auteurs, au point parfois de perdre de leur authenticité aux yeux du public, comme dans La Princesse de Clèves, de Mme de La Fayette. La princesse est tellement vertueuse qu'elle va jusqu'à avouer à son mari sa passion pour un autre homme, le duc de Nemours, afin qu'il l'autorise à quitter Paris pour s'éloigner de la tentation. [...]
[...] La disparition de la vérité historique au profit des ressorts romanesques Le format de la nouvelle historique limite la capacité de celle-ci à exposer une réelle connaissance de l'Histoire : l'écriture implique avant tout de faire un choix, il y a donc toujours une part de subjectivité qui, si elle semble importante pour Saint-Réal dans sa vision de l'Histoire, s'oppose aujourd'hui à l'objectivité requise dans ce champ d'études. C'est l'auteur qui décide de ce qu'il intègre ou non à son récit, et afin de captiver l'intérêt des lecteurs, les auteurs de nouvelles historiques préfèrent le plus souvent les petites histoires à l'Histoire en elle-même. Malgré des références régulières aux évènements historiques, ces derniers demeurent secondaires, voire anecdotiques, dans le récit. Cela se voit notamment dans l'?uvre de Mme de La Fayette, avec d'abord sa nouvelle La Princesse de Montpensier, publiée en 1662. [...]