Primo Levi Jorge Semprun, ou comment dire l'indicible
Résumé de l'exposé
En procédant à une étude comparée de Si c'est un homme de Primo Levi - dont le titre original est "Se questo è un uomo" - et de l'Ecriture ou la vie de Jorge Semprun, nous nous efforcerons de mettre en lumière l'approche des camps de concentration à travers ces deux autobiographies.
Afin de mieux comprendre le fonctionnement du récit de chaque auteur, nous nous servirons du contexte dans lequel les deux ?uvres ont été écrites avant d'insister sur le pacte autobiographique et la notion de littérarité.
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Sommaire de l'exposé
Présentation générale
Extraits de l'exposé
[...] Tout en étant au service de la même vérité, Levi et Semprun n'abordent pas l'écriture avec la même nécessité : pour Levi c'est un besoin vital qu'il doit assumer au plus vite pour avoir le sentiment du devoir accompli, pour Semprun, c'est l'insoutenable retour à l'horreur du camp. Dans ce travail acharné de l'écrivain à la recherche du sens, l'art littéraire est au service du témoignage et, réciproquement, la vérité du témoignage ne serait rien sans l'art. Bibliographie Primo Levi Le devoir de mémoire Jorge Semprun Mal et modernité G. Perec W ou le souvenir d'enfance J.Semprun et E. [...]
[...] On peut aussi sentir ses différentes odeurs et apprendre la vie détaillée du camp à travers un récit dont la culture littéraire de Semprun, qui cite des auteurs et de la poésie, n'est pas exclue. Il n'hésite pas non plus à faire de nombreux "flash-back" et agence son récit de manière volontairement désordonnée. Cette mise en scène du discours donne la charge émotionnelle de l'autobiographie. En effet pour Jorge Semprun, "seul l'artifice d'un récit maîtrisé parviendra à transmettre partiellement la vérité du témoignage". [...]
[...] Levi choisit d'évoquer une tranche de vie, l'expérience douloureuse des quatorze mois passés dans le camp. L'auteur est identique au narrateur qui est lui- même identique au personnage principal. Le utilisé dans la narration est uniquement identifiable dans l'acte même d'énonciation. Primo Levi passe un pacte autobiographique direct et assume, par conséquent, la responsabilité de son énonciation. Le pacte avec le lecteur est résumé par la formule concise et troublante de pudeur cachée : "il me semble inutile d'ajouter qu'aucun des faits n'y est inventé". [...]
[...] Jorge Semprun est un espagnol d'expression castillane et française. Né à Madrid en 1923, il doit s'exiler à Paris en 1939 pour fuir le régime de Franco. Membre du Parti communiste espagnol, il est déporté à Buchenwald en 1943. Exclu du parti en 1964, il continue pourtant sa carrière politique et assume la fonction de ministre de la Culture entre 1988 et 1991. C'est de sa propre vie et surtout de son expérience politique que Jorge Semprun tire la matière de ses ouvrages. [...]
[...] Mais puisque leurs livres ont vu le jour, comment finalement Primo Levi et Jorge Semprun ont-ils raconté leur expérience ? Bien qu'il ait été plongé dans l'horreur du camp, Primo Levi se distancie volontairement de ce qu'il a vu en choisissant et en ordonnant les événements qu'il évoque. Il raconte constamment la mort, il ne l'évoque pas directement mais elle est inscrite à travers tous les gestes des prisonniers. Dans sa volonté passionnée de rendre palpable toute la folie nazie, il n'a de cesse de chercher le mot juste, exact et dépouillé, comme il le dit lui-même : " J'ai délibérément recouru au langage sobre et posé du témoin plutôt qu'au pathétique de la victime ou à la véhémence du vengeur." Ainsi, la "justesse" de Primo Levi consiste, d'une part, à dénoncer sans désir de vengeance mais avec la conscience de l'impossibilité de pardonner et, d'autre part, à montrer l'atrocité sans jamais s'y complaire, ni verser dans le pathos. [...]