« Chacun sa chimère », Baudelaire, Petits poèmes en prose (1869)
Résumé de la fiche de lecture
Après les Fleurs du mal, le recueil des Petits poèmes en prose - ou Le Spleen de Paris-, dont l'ensemble ne connut qu'une publication posthume, représente la dernière tentative de Baudelaire pour accéder à une écriture libre et poétique. Il semble parvenir à son rêve esthétique : la rencontre magique de l'insolite et du quotidien. Dans Chacun sa chimère, sixième poème du recueil, Baudelaire décrit un véritable paysage intérieur, fantastique et pathétique et grâce à un récit allégorique relatant la mystérieuse rencontre d'un narrateur avec des hommes inconnus, victimes d'un monstre familier, il esquisse un tableau saisissant de la condition de l'Homme et de celle du poète. Ce poème peut se comparer à un rêve légèrement inquiétant dans lequel le poète va croiser un étrange cortège. Le poème, composé de 7 paragraphes, chacun contenant une seule phrase met en scène la vision des hommes chimères, les interrogations du poète et la disparition du cortège. Il fait également surgir de multiples images qui défilent sous un rythme assez lent. Il y a une dimension lyrique et fantastique qui transforme le poème en apologue. Nous verrons ainsi dans un premier temps dans quelle mesure nous pouvons dire que nous assistons à la composition d'un tableau fantastique. Enfin, nous nous interrogerons sur le sens que nous pourrions donner à cette vision.
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Sommaire de la fiche de lecture
Un tableau fantastique
Un paysage lunaire
Des hommes inquiétants
Chimère ou vision du narrateur ?
La polysémie de cette vision onirique
Un rêve sur la solitude ?
Un rêve sur l'oppression ?
Un rêve sur l'illusion ?
Extraits de la fiche de lecture
[...] Des hommes inquiétants Ce paysage lunaire et sombre est habité par des hommes inquiétants. En effet, nous retrouvons des hommes bêtes sans réflexions et actions. Les hommes semblent être des automates. On ne retrouve en effet aucune individualité. On parle de ces hommes on les nomme par la troisième personne du pluriel ils ou encore par le pronom indéfini un de ces hommes (ligne16), aucun de ces voyageurs (ligne 21). Ces hommes n'ont pas de parole, ils font tous la même chose : Ils allaient quelques part écrit Baudelaire à la ligne 19. [...]
[...] C'est par ailleurs en ce sens que nous pouvons dire que deux destins humains semblent symboliquement s'opposer ici. La condition solitaire du poète, comme "écho sonore" des autres est mis en valeur ici. Un rêve sur l'oppression ? En lisant ce poème, il ressort une certaine sensation d'enfermement. La chimère en elle-même est un symbole d'étouffement. Comme nous l'avons vu, c'est un lieu opprimant qui nous est présenté. Il semble en effet écrasé par le poids du ciel sous la coupole spleenétique du ciel (ligne empêchant toute élévation. [...]
[...] Il ressort de ce poème une certaine solitude. En effet, le titre même en utilisant le pronom indéfini Chacun pose une certaine individualité. Le poète semble être seul : aucune parole n'est échangé puisque le poète à l'impression d'un silence. On retrouve une certaine opposition entre le Narrateur et le cortège. En effet, alors que le poète est présent par la première personne du singulier Je par exemple à la ligne 16 Je questionnai les autres sont comme nous l'avons vu précédemment désignés par le pluriel. [...]
[...] De même, la grisaille crée une impression d'obscurité. On a ainsi une image implicite d'un cachot, d'une prison. On est dans le spleen qui est une sensation d'étouffement, de claustrophobie. Ainsi, l'esprit ne peut plus s'élever : les hommes sont courbés. Un rêve sur l'illusion ? Le titre même montre bien que chacun a ses rêves, chacun a ses illusions et a ses désirs. Ce rêve est celui que l'homme se transforme en soldat prêt à se battre pour ses rêves. [...]
[...] Cet anéantissement est mis en relief par une gradation "plus lourdement accablé" (l38) et l'adjectif "irrésistible" (l37) qui rappelle "l'invincible besoin de marcher" de ces autres. Mission difficile traduite ainsi par l'accumulation des verbes "je m'obstinai à vouloir comprendre ce mystère" (ligne 35). La curiosité insatisfaite, l'échec, le mystère insondable et l'impossibilité de participer au sort des autres amène à une solitude tragique. Ce rêve est donc un rêve très pessimiste. C'est une vision tragique de l'homme qui se bat pour rien. Malgré ses efforts, il est inéluctablement condamné à espérer toujours. [...]