La Suisse, et c'est souvent le trait que l'on connaît le mieux dans ses institutions, fait un usage intensif des procédures de démocratie directe : 200 référendums et 100 initiatives populaires depuis 50 ans, sur des questions politiques sensibles (armée, durée du travail, énergie nucléaire, ONU/FMI, immigration, droits politiques...), familières (ceinture de sécurité, heure d'été...), techniques (transport, finances publiques), et «éthiques» (génie génétique, avortement...). Mais ces procédures de démocratie directe, qui instituent le peuple en tant que véritable organe de l'état, sont porteuses d'une certaine ambivalence : la pratique du référendum participe aussi à la légitimation d'un pouvoir en place, et donc à son pouvoir. Et, bien que la démocratie directe soit rarement critiquée frontalement, ses effets sont souvent discutés.
[...] En Suisse même, les mouvements de réaction face aux procédures de démocratie directe existent parmi les élites, amplifiées par les polémiques comme l'interdiction des minarets en 2009 qui font accuser la démocratie directe de favoriser le populisme. Encore une fois, il faut se demander quelle forme de démocratie on recherche : si on veut que le peuple règne il faut le laisser gouverner...
Ces attaques ne sont bien entendu jamais frontales, mais portent davantage sur ses effets pervers (poids de l'argent dans les campagnes par exemple) sans oublier les critiques classiques opposées à la démocratie directe (livre le pouvoir aux passions d'un peuple qui en est indigne...). Enfin, ce qui est parfois considéré comme un avantage peut se transformer en critique : en forçant au consensus, elle aboutit généralement à des politiques conservatrices, voire à une idéologie du non-choix et retarde des réformes nécessaires.
La démocratie directe en Suisse, qui a su fonctionner à une époque où les communications étaient difficiles et l'information mal répartie, devrait trouver son expression optimale dans le monde moderne, et l'on devine l'avenir du vote électronique en constatant les augmentations de participation provoquées par la mise en place du vote postal. (...)
[...] Encore une fois, il faut se demander quelle forme de démocratie on recherche : si on veut que le peuple règne il faut le laisser gouverner . Ces attaques ne sont bien entendu jamais frontales, mais portent davantage sur ses effets pervers (poids de lʼargent dans les campagnes par exemple) sans oublier les critiques classiques opposées à la démocratie directe (livre le pouvoir aux passions dʼun peuple qui en est indigne . Enfin, ce qui est parfois considéré comme un avantage peut se transformer en critique : en forçant au consensus, elle aboutit généralement à des politiques conservatrices, voire à une idéologie du non-choix et retarde des réformes nécessaires. [...]
[...] Et, bien que la démocratie directe soit rarement critiquée frontalement, ses effets sont souvent discutés. La démocratie directe est-elle omniprésente en Suisse, constitue-t-elle le principe de base de la prise de décision dans la confédération helvétique ? Et peut-on considérer ces procédures telles quʼelles sont appliquées en Suisse comme un modèle pour les États impliqués dans le projet démocratique ? Si l'étymologie du mot «démocratie» paraît adaptée, il ne faut pas oublier que ce mot a été inventé par des anti-démocrates ! I. Peut-on dire que la Suisse «est une démocratie directe» ? A. [...]
[...] La relation quʼelle développe entre acteurs privés (associations, groupes dʼintérêts, partis, etc.) et État en amont de lʼédiction de normes est particulièrement développée en Suisse, et elle constitue un moyen dʼéviter des référendums trop fréquents mais aussi de respecter le consensus, en informant le politique. Cette procédure dont on comprend les avantages est bien une conséquence de la démocratie directe qui «menace» en permanence le politique. On peut également citer la «clause dʼurgence», qui permet lʼapplication immédiate dʼune loi en attendant les résultats du référendum, ou encore lʼencadrement par lʼEtat des campagnes référendaires afin de veiller à une information correcte des votants. C. [...]
[...] Lʼexercice de la démocratie directe en Suisse peut-elle être considérée comme un modèle ? Les critiques directes à lʼégard des procédures de démocratie directe sont rares, pourtant rares également sont les tentatives de les ajouter à un régime existant . Lʼétude des institutions suisses, en attestant la possibilité au moins formelle dʼune participation active des citoyens à la vie politique, impose une réflexion à lʼheure où beaucoup de démocraties représentatives sont en crise. A. Une voie pertinente pour un projet démocratique La Suisse est considérée par ceux qui sont favorables à ses institutions comme un exemple «abouti» de démocratie. [...]
[...] Bernard Voutat Suisse : réflexions sur les droits politiques et la citoyenneté Mouvements 5/2002 (no24), Antoine Bevort Démocratie, le laboratoire suisse Revue du MAUSS 1/2011 p. 447-475. [...]
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