John Kenneth Galbraith, Le nouvel État industriel

Extraits de la fiche de lecture

[...] En ces domaines, le système planificateur fait preuve de ses lacunes. La primauté des objectifs purement économiques a au moins l'avantage de se baser sur des données objectives : le PIB se mesure aisément, mais on ne peut pas évaluer objectivement le progrès culturel ou esthétique. Les économistes, par ailleurs, se défient des autres dimensions : il serait impensable d'en entendre un conclure qu'une production inférieure avec des conditions de vie meilleure et moins de pollution serait préférable pour le progrès de la société. [...]

[...] L'entreprise moderne, étant donné son gigantisme, a les moyens d'influer sur les prix auxquels elle vend autant que sur ceux auxquels elle achète. Surtout, elle peut influencer les choix du consommateur lui-même. Les sommes de plus en plus imposantes englouties par le système planificateur dans la publicité sont la manifestation la plus éclatante de la manière dont le producteur s'assure de la docilité du consommateur, dont il élimine ainsi toute interférence potentielle avec le bon fonctionnement de son processus productif. Le système planificateur contrôle donc le marché auquel il est censé être assujetti. Ce contrôle s'étend à l'ensemble de la société. [...]

[...] Mais de quel changement s'agit-il ? Essentiellement, de celui qui a fait évoluer le système économique américain depuis le début de la deuxième guerre mondiale : développement de l'appareil technologique, émergence de firmes de plus en plus puissantes, acceptation de l'intervention de l'État dans l'économie, intensification des méthodes de persuasion associée à la vente des produits (publicité), accroissement massif des effectifs de l'enseignement supérieur, etc. L'intention de Galbraith est d'insérer l'ensemble de ces mutations dans une perspective globale qui puisse rendre compte du changement général de la société. [...]

[...] Galbraith insiste notamment sur l'influence de la technostructure dans l'enseignement universitaire. C'est d'ingénieurs et de techniciens dont le système planificateur a besoin, et non pas de poètes. Les études scientifiques ou de management reçoivent donc avec la bénédiction de l'État beaucoup plus de crédits que les cours de philosophie ou de peinture. Toujours grâce à son influence, le système planificateur perpétue aussi le mythe de la filière classique ou bien de la non-intervention de l'État. Cette idéologie sert de paravent à la réalité de la planification et évite au consommateur d'avoir la tentation de se révolter contre la manipulation dont il est l'objet. [...]

[...] Le livre Le nouvel État industriel est le fruit d'une lente maturation. Galbraith en a commencé écriture en 1958 alors qu'il achevait ère de l'opulence. Son travail fut interrompu par son ambassade en Inde de 1961 à 1963, qui lui permit cependant de se livrer à de profondes réflexions. De retour aux États -Unis, il réécrit le manuscrit original presque entièrement, et ne publiera son ouvrage définitif qu'en 1967. Cet intervalle de presque dix ans entre l'éclosion des premières idées et la parution du nouvel État industriel, s'explique par l'ambition de ce livre. [...]