La France connaît depuis bientôt quatre ans une baisse importante du taux de chômage de sa population active. Néanmoins, si l'enrichissement de la croissance en emplois est manifeste, et très supérieur par exemple au contenu en emplois de la croissance du PIB dans les années 1960, ce retour est susceptible d'être menacé par l'existence d'un chômage persistant, plus ou moins insensible à l'amélioration de la conjoncture. S'agit-il d'un taux de chômage d'équilibre? Si oui, comment le définir et l'expliquer? De plus, si l'existence d'un chômage d'équilibre est avérée, de quels instruments adéquats dispose-t-on pour en réduire le niveau et éviter ainsi que le retour au plein emploi ne bute sur les risques de dérapages inflationnistes?
politiques pour faire baisser le taux de chômage d'équilibre
Extraits de l'exposé
[...] La politique macroéconomique peut donc permettre de résorber ce chômage d'équilibre, couplé à des politiques sectorielles ciblées. La conduite des politiques économiques ne s'est pas toujours faite en faveur de l'emploi, d'où le maintien durable d'un niveau élevé de chômage, qui a contribué à élever le taux de chômage d'équilibre. Dans le Miméo Déficit de croissance et chômage Pierre-Alain Muet montre qu'une conduite inefficace des politiques économiques et un arbitrage au détriment de l'emploi peuvent susciter un effet d'hystérèse sur le taux de chômage. [...]
[...] Ainsi, Milton Friedman a repris la courbe de Phillips, qui lie taux de chômage et d'inflation, et l'a enrichie des anticipations. Il a dégagé le NAIRU (Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment), entendu comme le taux de chômage qui permet de stabiliser l'inflation anticipée. Les auteurs de la Nouvelle Economie Classique ont développé le NAWRU (Non Accelerating Wages Rate of Unemployment), à savoir un taux de chômage qui stabilise l'évolution des tensions salariales. Quant aux auteurs de la Nouvelle Macroéconomie Keynésienne, ils ont établi le taux de chômage d'équilibre comme étant déterminé par le point d'intersection des courbes de price setting et de wage setting Charles Bean définit ainsi le NAIRU comme le pont où s'équilibre la lutte des marges entre des salariés qui veulent accroître leurs salaires réels et des employeurs qui désirent augmenter leurs marges. [...]
[...] C'est seulement la baisse de ce taux de chômage volontaire qui peut permettre à la France d'atteindre le plein emploi, dans le cadre d'une croissance durable qui échappe aux tensions inflationnistes. Si l'exemple états-unien d'un chômage inférieur au NAIRU pourrait amener à tempérer ce jugement, les situations ne sont pas pour autant comparables des deux côtés de l'Atlantique. La persistance d'un taux de chômage d'équilibre fort à long terme constituerait en tout état de cause un handicap lourd de conséquences négatives pour la situation de l'emploi dans notre pays. [...]
[...] En outre, le système public d'indemnisation doit prendre en compte des études économétriques qui montrent qu'une longue durée d'indemnisation est plus préjudiciable à l'emploi qu'un fort taux de remplacement. Par ailleurs, il convient d'optimiser le fonctionnement des négociations salariales, soit en les plaçant à un niveau totalement décentralisé (l'entreprise), soit en les centralisant au niveau de l'Etat, de façon à réduire les effets néfastes de la cartellisation. Le système français de formation professionnelle mérite d'être amélioré, comme l'a montré le rapport Péry. Les travaux de Delame et Kramarz illustrent aussi les insuffisances du système actuel en matière d'efficacité économique pour les employeurs et surtout pour les salariés. [...]
[...] Cela dit, l'exemple du New Jersey qui avait augmenté son salaire minimum et avait vu son chômage baisser, tandis qu'un autre Etat états-unien baissait son salaire minimum et voyait son chômage augmenter montre que dans la réalité cette rigidité peut être discuté et est discutable. Il n'en demeure pas moins que l'existence d'un salaire minimum renchérit le coût du travail peu qualifié par rapport au coût du travail qualifié, ce qui engendre nécessairement un effet de substitution sur l'emploi en défaveur des travailleurs peu qualifiés et des jeunes. Il faut donc recourir à des politiques ciblées et structurelles pour faire baisser le taux de chômage d'équilibre. [...]