La puissance est une notion complexe, qui revêt de multiples acceptions et définitions. Ainsi, Robert Dahl la définit-il comme « la capacité d'obliger l'autre à faire ce dont il se serait autrement abstenu » et Raymond Aron, comme « la capacité de faire, produire ou détruire » ou comme la « capacité d'imposer sa volonté aux autres ». Dans tous les cas, la puissance est caractérisée par l'indépendance par rapport aux autres acteurs et par la dépendance de ces derniers vis à vis du puissant. La puissance correspond donc globalement au fait de n'avoir que le minimum de contraintes et à l'inverse de pouvoir en faire peser sur les autres acteurs. A ces difficultés de définition vient s'ajouter une deuxième question : quels sont les moyens pour parvenir à cet objectif, en d'autres termes, quels sont les critères de la puissance ? Après avoir envisagé ces critères, leur évolution et leur complémentarité, nous analyserons la situation de la France : peut-elle être considérée aujourd'hui comme une « grande puissance » ?
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Sommaire de l'exposé
Les critères de la puissance : ambivalence et interdépendance
Des critères traditionnels moins opératoires
Des critères déterminants
Pourquoi un tel bouleversement des critères de puissance ?
La France est-elle encore une grande puissance ?
Une angoisse de longue date, sans cesse réactualisée
La France : puissance moyenne ou grande puissance ?
L'Europe, démultiplicateur de la puissance française
Extraits de l'exposé
[...] L'idée du déclin y est accentuée par le fait que peu de pays ont comme elle vécu sur un tel sentiment de puissance. Mais force est de constater que la France appartient au cercle restreint des pays qui peuvent exercer une influence décisive sur de nombreux dossiers. L'erreur d'analyse des détracteurs de la puissance française La perception d'une France en déclin inéluctable, ravalée à un rang subalterne, voire mineur en relations internationales, renvoie à une triple erreur d'appréciation : - par rapport à un passé qui n'a jamais été une marche triomphale permanente ; - sur la façon dont se produit et s'exerce aujourd'hui la puissance en relations internationales ; - sur la véritable hiérarchie du monde contemporain. [...]
[...] La France : puissance moyenne ou grande puissance ? La France a-t-elle les moyens d'être une puissance qui pèse sur les orientations du monde et qui ait son mot à dire dans les grandes décisions stratégiques ? Des atouts bien exploités La France a su exploiter une position stratégique favorable, elle dispose d'arguments politiques, militaires (via sa puissance nucléaire) économiques et démographiques (le déclin de sa population étant souvent surévalué). - Elle possède une longue tradition de contrôle étatique, des institutions stables et un gouvernement centralisé, ce qui lui permet de lancer des projets. [...]
[...] Pourquoi un tel bouleversement des critères de puissance ? Le bouleversement des critères de puissance vient de la montée des interdépendances et de la fin des rapports bilatéraux car c'est l'interdépendance conduite jusqu'à un certain terme qui structure le plus la puissance aujourd'hui, rendant du coup moins opératoires les définitions classiques de la puissance. Aussi, est-il aujourd'hui possible de distinguer : - la superpuissance capable de peser sur l'ensemble des sujets d'importance mondiale, - les grandes puissances qui peuvent jouer un rôle en dehors de leur sphère régionale et ont une influence forte sur certains domaines à l'échelle mondiale, - les puissances régionales qui ne sont des acteurs majeurs que dans leur sphère géographique A partir de ces critères juxtaposés ou pris séparément, voyons comment s'en sort la France : peut-on la considérer comme une grande puissance ? [...]
[...] L'Europe, démultiplicateur de la puissance française L'Europe peut être perçue comme un relais de la puissance française, lui permettant de réaliser ce qu'elle n'a pas les moyens d'accomplir seule. Ainsi, lors de l'Uruguay Round, la France a su faire appel à la solidarité européenne pour obtenir des concessions sur la PAC et l'exception culturelle. En outre, lors de la conférence de Kyoto, la France a su opposer aux Etats-Unis une position européenne ferme, jusqu'à ce qu'un compromis soit trouvé. La France peut donc utiliser l'Europe comme un multiplicateur de puissance en : - défendant une position légitime ; - en y associant ses partenaires ; - en faisant preuve d'initiative sans pour autant donner l'impression d'agir en franc-tireur. [...]
[...] Le critère économique seul suffit-il pour figurer parmi les grandes puissances ? Rien n'est moins sûr. En effet, la Russie, puissance militaire a un rôle à jouer dans les relations internationales alors qu'elle n'est pas une puissance économique, tandis que l'Allemagne, puissance économique et parfois ignorée du point de vue diplomatique. Notons enfin que la puissance économique doit être garantie par une organisation étatique efficace, engendrant une certaine cohésion sociale. Ceci devient le critère surdéterminant de la puissance, qui valorise ou dévalorise tous les autres. [...]