A l'Ouest rien de nouveau ? Les théories sur l'avenir de la guerre au seuil du XXIème siècle. Michel Fortmann
Résumé de l'exposé
La fin de la guerre froide a entraîné un profond renouvellement des recherches sur les conflits. En la matière, de nombreuses théories prévisionnelles ont vu le jour. Samuel Huntington et Francis Fukuyama ont sûrement été les deux théoriciens les plus caricaturés. Cependant, l'ensemble de la discipline a été le cadre de recherches très nombreuses en vue de caractériser les nouvelles guerres et leurs causes. Ces travaux ont tenté de déterminer une tendance de long terme pour qualifier la période à venir.
Cet article de Michel Fortmann, paru dans la revue canadienne Etudes internationales, a pour objet de recenser ces travaux et ces théories. Il s'agit de les analyser et de les soumettre à l'épreuve des faits. L'auteur a établi un clivage entre les théories axées sur le système (I) et celle qui privilégient les ressorts internes des acteurs des relations internationales (II).
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Sommaire de l'exposé
Polémologie du système-monde
La géométrie des rapports de puissance
Un économisme pacificateur ?
Civilisation universelle ou choc des civilisations ?
Au-delà de la guerre froide : guerres, Etats et sociétés dans l'après-guerre froide
La paix démocratique
Les nouvelles (?) guerres de l'après-guerre froide
L'Etat et la question identitaire
Extraits de l'exposé
[...] De plus, la notion de gouvernance n'a pas survécu au colonialisme. L'Etat s'est désintégré et a été remplacé par des réseaux locaux. Nous sommes en présence de cas où c'est la désintégration de l'Etat qui est la cause des conflits ethniques. Conclusion On constate aujourd'hui que le langage de la géologie a remplacé celui de la théorie des jeux : on parle de zones de fracture, de plaques tectoniques, de secousses sismiques, etc. Si le nombre de conflits est globalement à la baisse, l'analyse des configurations régionales fait apparaître des zones de fracture potentielles. [...]
[...] Au-delà de la guerre froide : guerres, Etats et sociétés dans l'après- guerre froide L'observation des guerres de l'après-guerre froide a entraîné un intérêt pour leurs causes sociopolitiques. Il s'agit de voir en quoi la dynamique interne des acteurs influe sur l'ensemble du système international. A. La paix démocratique Le lien entre la paix et la démocratie a été affirmé par une école de pensée influente au début des années 90. Il s'agit de la formulation d'une vieille idée philosophique que l'on retrouve chez Kant et chez les penseurs libéraux. [...]
[...] De plus, l'interdépendance, facteur de dissuasion des conflits, n'est pas un phénomène récent et n'a pas empêché les grandes puissances d'entrer en guerre (l'Allemagne et l'Angleterre en 1914). La réalité des relations commerciales ne correspond pas exactement à l'espérance en le doux commerce qui adoucit les m?urs. La rareté des ressources essentielles est un objet de conflit lorsque les Etats sont incapables de satisfaire aux besoins de leur population. L'impact de la pression démographique et de l'urbanisation sont des facteurs de violence collective. Ainsi, l'optimisme libéral n'a pas été confirmé par les faits. [...]
[...] L'interprétation normative se fonde sur le fait que les sociétés démocratiques ont des valeurs communes dont celle, primordiale, de la prééminence de la règle de droit. Les citoyens de ces sociétés ont intériorisé ces valeurs et empêcheront leur gouvernement de recourir à la force, sauf en cas de légitime défense. Il s'agit en l'espèce d'une approche philosophique des relations internationales. Elle fait appel à des valeurs considérées comme universelles et constitue aisément un thème mis en avant dans les politiques étrangères. [...]
[...] Personne ne s'entend sur la forme de l'ordre émergent. Les réalistes structuralistes ont annoncé un retour à la géopolitique de la multiporalité. Cette configuration ressemble à celle de l'Europe des XVIII et XIX siècles. Dans la grille de lecture réaliste, c'est dans ce type de structure que réside l'instabilité. Selon Mearheimer, la présence de centres de pouvoir multiples accroît la potentialité de conflits. Plusieurs éléments viennent étayer cette thèse : rivalités régionales libérées par l'absence de tutelle stratégique, moindre capacité à distinguer les équilibres et, a fortiori, les déséquilibres, moindre efficacité de la dissuasion nucléaire, moindre clarté du comportement d'acteurs dont l'intérêt national est flou, etc. [...]