Une plus grande participation des Organisations Non Gouvernementales permettrait-elle de renforcer l'Organisation Mondiale du Commerce ?
Résumé de l'exposé
En janvier 1995, résultat d'années de négociations sous l'Uruguay Round, l'Organisation Mondiale du Commerce voit le jour et remplace le GATT. La nouvelle institution est bien plus puissante que son prédécesseur. Le champ d'activité est étendu au-delà du commerce des seuls produits industriels pour couvrir aussi les échanges de services, les produits agricoles et la propriété intellectuelle. L'OMC est plus efficace aussi, car, dotée d'un Organe de Règlement des Différends (ORD), juridiction impartiale qui permet de trancher les différends commerciaux entre les membres, elle permet de mettre en oeuvre les contrats conclus et de supprimer les sanctions unilatérales, apanage des pays riches. L'OMC reste une institution entièrement intergouvernementale, et son Secrétariat n'a que très peu d'influence lors des négociations. Sa légitimité est intacte : le prouve son nombre croissant d'Etats-membres et la volonté notamment des pays en voie de développement d'en être des membres à part entière. Pourtant, l'OMC cristallise autour d'elle toutes les critiques et tous les mécontentements : l'échec de la conférence de Seattle n'aura été qu'un révélateur. En effet, l'OMC s'occupe de problèmes qui touchent à l'économie nationale des pays membres et donc au bien-être économique et social des populations, ce qui explique que l'OMC soit au centre de tous les débats. En décembre 1999, à Seattle, la troisième conférence ministérielle de l'OMC qui devait lancer le cycle du millénaire n'a pas abouti. A l'appel d'une multitude d'organisations non gouvernementales (ONG), environ 50000 personnes ont manifesté dans les rues de Seattle de façon parfois très violente. Face à cette mobilisation extraordinaire, et à l'échec des négociations, la question de la réforme de l'OMC s'est ouvertement posée. François Hurwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur déclarait en décembre 1999 : « Beaucoup sont arrivés en disant qu'il fallait changer le fonctionnement de l'OMC. La réunion de Seattle en aura apporté la preuve. » Il faut donc réformer l'OMC pour la rendre plus transparente et démocratique. Réponse aux accusations portées par les ONG durant la conférence de Seattle, une plus grande participation des ONG au processus décisionnel de l'OMC a été une piste souvent évoquée. Faut-il laisser davantage de place aux ONG pour renforcer et démocratiser l'OMC ? Cette idée est séduisante au premier abord : elle permet de répondre aux critiques des ONG souvent fondées sur une mauvaise connaissance du fonctionnement de l'OMC. De plus, les ONG sont des interlocuteurs influents qui auront une influence positive tant dans le fonctionnement que sur l'image de l'OMC. Pourtant, cela est une vraie fausse bonne idée et soulève le problème épineux de leur légitimité.
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Sommaire de l'exposé
Une idée séduisante
Une méconnaissance de l'OMC par les ONG
Des interlocuteurs valables
Une influence positive
Un élément démocratique
Une fausse bonne idée
Derrière l'ONG, un flou juridique
Quelle légitimité des ONG ?
Un objet de domination du Nord
Un risque de paralysie
Extraits de l'exposé
[...] Ainsi, une plus grande participation des ONG au sein de l'OMC ne ferait que renforcer ces effets positifs. Un élément démocratique Enfin, une participation des ONG plus active serait un élément indéniable de démocratisation de la gouvernance de l'OMC. Si pour certains, l'OMC ne souffre aucunement d'un déficit démocratique, ses conclusions émanant des gouvernements, cette vision de la démocratie représentative au niveau national est beaucoup trop réductrice. Si la démocratie dite représentative qu'incarne les ONG n'a pas vocation à remplacer les gouvernements, elle a sûrement un rôle important à jouer dans la construction d'une gouvernance mondiale. [...]
[...] L'OMC, en grande partie parce que ses compétences ne s'arrêtent plus à l'ouverture des frontières mais ont des répercussions sur les politiques intérieures, est érigée en symbole de la mondialisation néolibérale qui fédère toutes les craintes. Ces malentendus et cette méconnaissance de l'OMC expliquent qu'elle se soit retrouvée la cible d'une coalition hétéroclite d'ONG. Les critiques adressées à l'OMC sont en grande majorité dues à une méconnaissance de l'OMC, de ses objectifs et de son fonctionnement. Il faut donc renforcer la coopération et le dialogue, avoir plus de transparence dans les négociations, et mieux informer pour renforcer l'image de l'OMC. [...]
[...] De plus, les ONG ne défendent qu'une seule cause - environnement, droits de l'Homme - : un compromis ne peut plus alors être obtenu, alors qu'entre gouvernements aux préoccupations multiples, des échanges de concessions permettent de trouver un terrain d'entente. Enfin, les causes défendues par les ONG sont parfois contradictoires, si ce n'est conflictuelles. Comment l'OMC peut-elle espérer fonctionner si elle comporte en son sein par exemple à la fois des organisations du droit des femmes et des ONG religieuses islamistes ? Pour conclure, face aux difficultés de l'OMC, certains pensaient que laisser plus de place aux ONG permettrait de renforcer l'institution. Cette conception résulte d'un amalgame dangereux. Les ONG ne représentent pas une société civile internationale. [...]
[...] De plus, les revendications des ONG qui veulent une participation plus active témoignent d'une véritable volonté de s'associer aux objectifs de l'OMC. Les ONG ne réclament pas la disparition de l'OMC comme certains mouvements alter mondialistes mais bien au contraire une extension de ses champs de compétence. L'OMC est vue comme un partenaire sur lequel il faut faire pression. Certaines ONG accusent l'OMC d'ignorer certains problèmes comme l'environnement[1], la santé ou les droits de l'Homme. C'est donc bien plus d'OMC que les ONG réclament, ce qui fait d'elles des interlocuteurs valables. [...]
[...] SAMPSON, World Trade Organisation after Seattle?, in The World Economy, September 2000 - David ROBERTSON, ?Civil society and in The World Economy, September 2000 - Jean Jacques HALLAERT, ?L'après Seattle: faut-il réformer l'OMC ? in ACCOMEX, - www.wto.org Des ONG environnementalistes avaient décrié le règlement de l'ORD sur les crevettes/ tortues de mer en 1998, où les Etats-Unis avaient été sanctionnés après avoir empêché l'importation de crevettes péchées avec des filets mettant en danger les tortues de mer. Samy COHEN, Les ONG sont-elles alter mondialistes ? in Humanitaire, Hiver 2004, Robert HOWSE and Kalypso NICOLAIDIS, ?Enhancing WTO legitimacy: Constitutionalization or global subsidiarity??, in Governance Samy COHEN, Les ONG sont-elles alter mondialistes ? [...]
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