Mais le paysage politique et institutionnel français de 2004 n'est plus celui de 1964 : la Constitution a été révisée à 15 reprises, et les modalités même de ces révisions ont évolué. De plus, l'ouvrage de François Mitterrand s'attaquait plus au système politique en vigueur en 1964, c'est-à-dire à la pratique gaullienne du pouvoir, qu'aux institutions elles-mêmes, c'est-à-dire au régime constitutionnel. Ces deux éléments sont difficiles à différencier dans la mesure où la Constitution de 1958 est née par et pour DE GAULLE, mais cette distinction est essentielle dans l'exercice de lecture actualisé auquel nous souhaitons ici nous prêter.
En suivant les deux axes de critique choisis par l'auteur (le problème de la séparation des pouvoirs exécutif et législatif d'une part, des pouvoirs exécutif et judiciaire d'autre part) et en examinant précisément l'évolution des pratiques politiques concernant ces deux aspects fondamentaux de l'Etat de droit entre 1964 et 2004, il apparaît clair que, malgré les évolutions positives qu'a connu la pratique institutionnelle de la Vème République - qui, ironiquement, n'ont pas toujours été le fait des plus grands détracteurs de la Constitution de 1958 -, certains usages critiqués par MITTERRAND se perpétuent, voir s'accentuent...
...
Sommaire de l'exposé
L'Etat, c'est lui': la dictature par l'exercice personnel du pouvoir.
Un Gouvernement fantoche.
Un Parlement 'isolé dans un ghetto d'interdits', dépouillé 'des trois-quarts de sa compétence législative et de la quasi-totalité de sa compétence constitutionnelle'.
Un Conseil Constitutionnel au service du Gouvernement : 'le plus domestique des corps domestiques du Général de Gaulle'.
'Un régime autoritaire et personnel est contraint d'organiser autour de son chef un filet protecteur aux mailles serrées' : la dictature par l'arbitraire du pouvoir judiciaire.
'Crime de lèse-nation' et tribunaux d'exception .
Un pouvoir judiciaire au service de l'exécutif.
Extraits de l'exposé
[...] Si ces conditions constitutionnelles favorables ont été pour la plupart modifiées depuis le règne gaullien, il n'en reste pas moins que certaines pratiques perdurent hors du cadre constitutionnel. Dans une deuxième partie, Le Coup d'Etat permanent se penche sur les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire pour souligner que dans ce domaine également ont été mis en place des mécanismes visant à saper l'Etat de droit pour affermir l'exercice personnel du pouvoir par le Général de Gaulle. [...]
[...] A ce sujet, on peut se reporter à l'ouvrage d'Olivier Duhamel, Droit constitutionnel Tome 1 : Le pouvoir politique en France Editions Points Seuil p.23-27. Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation Jacques Chirac, au Sommet européen de Bruxelles (19 février 2003), au sujet de la position nettement critique des PECO vis-à-vis de la politique américaine en Irak. Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. [...]
[...] Mitterrand souligne ce travers qui pose la question de l'objectivité et de l'impartialité du contrôle de constitutionnalité. Par la durée de leur présence au Conseil Constitutionnel ans non renouvelables) et par le libre exercice de leur profession antérieure, les membres du Conseil seraient pratiquement encouragés à l'arbitraire, selon l'auteur. Pourtant, on peut considérer le fait que leur mandat ne soit pas renouvelable comme un gage d'indépendance (ils n'essaieront pas d'acheter par leurs décisions une nouvelle nomination). D'autre part, la loi organique du 19 janvier 1995, dont l'existence était prévue par l'article 57 de la Constitution et était attendue depuis 1958, précise l'incompatibilité entre le statut de membre du Conseil et certaines professions. [...]
[...] Mais il n'y a plus de gouvernement. Seul le Président de la République ordonne et décide Quand le Premier ministre n'est plus qu'un aide de camp et que les autres membres du Gouvernement savent qu'ils dépendent d'un mouvement d'humeur et que, pour s'y adapter, ils s'entraînent au dressage qui assouplit l'échine que reste-t-il de l'autonomie du Gouvernement face au pouvoir présidentiel ? Bien que le rôle du Premier ministre et de ses Ministres soit central dans la Constitution, les Conseils de Cabinet ont disparu avec la Vème République mais ont été remis au goût du jour par les cohabitations de 1986-1988 et 1993-1995 et le principe de se soumettre ou se démettre est depuis le départ de Pierre Sudreau en 1962 toujours au goût du jour. [...]
[...] En premier lieu, les ordonnances (art. 38) permettent au Gouvernement de prendre des mesures relevant du domaine législatif. L'utilisation de cette procédure est en hausse constante depuis les dernières élections présidentielles : elle a été mise en ?uvre 13 fois en fois en 2003 et 46 fois en 2004. En second lieu, l'article 37 a organisé à travers les décrets l'exercice du pouvoir réglementaire. Grâce à cet article, toutes les décisions importantes relèvent des décrets et échappent donc au Parlement, ainsi que l'a souligné de Gaulle le 20 septembre 1962 dans une allocution radiotélévisée. [...]