Vux du Président du Conseil Constitutionnel au Président de la République (extraits), 3 janvier 2005
Résumé de l'exposé
La Constitution de 1958 est la 1ère de l'histoire constitutionnelle française à définir un domaine législatif d'attribution, donc limité. C'est une nouveauté de la V République, répondant à l'esprit général de la Constitution, qui est d'affaiblir le législatif, afin de ne pas tendre vers un régime d'Assemblée, comme sous la III et la IV République.
Un autre mécanisme nouveau prévu par le texte de la Constitution de 1958 est celui du Conseil Constitutionnel, qui juge donc de la conformité des lois à la Constitution. Il revient par conséquence à cette institution de faire respecter la séparation des domaines de compétence législatif et réglementaire, définis respectivement par les articles 34 et 37 de la Constitution. La jurisprudence a cependant très tôt accepté que cette délimitation soit franchie, comme peut le montrer la décision du 30 juillet 1982 du Conseil constitutionnel.
C'est à contexte et à cette coutume constitutionnelle qu'est confronté le Président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud lorsqu'il prononce ses voeux au Président de la République le 3 janvier 2005. Cette situation d'application non effective de la séparation des compétences législatives et réglementaires a pour lui des conséquences sur la qualité et la clarté de la loi, et c'est la raison pour laquelle il en appelle à un retour à une interprétation stricte de la Constitution, ce qui implique donc un revirement de jurisprudence.
Il est donc légitime de se demander dans quelle mesure cette déclaration peut permettre une relecture de la Constitution, et donc avoir une influence sur le fonctionnement institutionnel de la V République.
Après avoir montré que la séparation théorique des compétences législatives et réglementaires n'est dans les faits par réelle et produit des conséquences indésirables, nous montrerons en quoi les voeux de Pierre Mazeaud peuvent être précurseurs de changement et d'un retour à une séparation effective des compétences.
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Sommaire de l'exposé
Le constat d'un disfonctionnement
Un domaine législatif limité mais largement dépassé malgré les possibilités de contrôle
Une loi de mauvaise qualité par sa compréhension et sa clarté
Le retour à un interprétation stricte et restrictive
Une portée limitée
Extraits de l'exposé
[...] Il est donc légitime de se demander dans quelle mesure cette déclaration peut permettre une relecture de la Constitution, et donc avoir une influence sur le fonctionnement institutionnel de la République. Après avoir montré que la séparation théorique des compétences législatives et réglementaires n'est dans les faits par réelle et produit des conséquences indésirables, nous montrerons en quoi les v?ux de Pierre Mazeaud peuvent être précurseurs de changement et d'un retour à une séparation effective des compétences. I. Le constat d'un disfonctionnement Pierre Mazeaud dresse dans ces v?ux le constat d'un disfonctionnement et d'un problème pour le régime de la République, dans la mesure où celle-ci prévoit une séparation des compétences législatives et réglementaires, avec des mécanismes pour la rendre effective, ce qui ne l'est en réalité pas, comme le montre la jurisprudence accommodante adoptée le conseil constitutionnel. [...]
[...] Cette décision va dans le sens contraire du processus de rationalisation du parlementarisme qu'a amorcée la République, et constitue même au contraire un retour vers un système constitutionnel ressemblant plus à celui de la République. Il n'existe donc dans les faits pas de séparation nette, stricte et réelle entre la compétence législative et réglementaire, car la Conseil constitutionnel a livré une interprétation conciliante de la Constitution, allant par cette démarche à l'encontre de l'esprit d'origine de l'ordre constitutionnel et des rapports entre les pouvoirs sous la République. [...]
[...] C'est à contexte et à cette coutume constitutionnelle qu'est confronté le Président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud lorsqu'il prononce ses v?ux au Président de la République le 3 janvier 2005. Cette situation d'application non effective de la séparation des compétences législatives et réglementaires a pour lui des conséquences sur la qualité et la clarté de la loi, et c'est la raison pour laquelle il en appelle à un retour à une interprétation stricte de la Constitution, ce qui implique donc un revirement de jurisprudence. [...]
[...] Le Président du Conseil constitutionnel décrit cette opération comme un retour à l'esprit des institution, à la lecture qu'en faisait leurs fondateurs en 1958 Cette prise de position montre qu'il faut respecter la voie tracée par le constituant originaire, car celle ci a été mûrement réfléchie, en réaction aux malfaçons et aux inconvénients des systèmes constitutionnels antérieurs. Le constituant travaille en analysant l'histoire constitutionnelle française. Les décisions que le Conseil constitutionnel a pris d'assouplir le texte ont provoqué des malfaçons qu'on ne pouvait soupçonner, et c'est pour cela que l'on aurait du s'en ternir à la volonté du pouvoir constituant originaire, et non tenté de faire évoluer le système de cette manière. [...]
[...] Il annonce sa volonté de faire respecter dans les faits la séparation des compétences législatives et exécutives, ce qui signifie un revirement de jurisprudence, qui, nous allons le montrer, ne se révèle en réalité que partiel. II. Un revirement de jurisprudence ? Ces v?ux de Pierre Mazeaud au Président de la République constituent bien un revirement de jurisprudence, car ils aspirent au retour à une interprétation stricte et restrictive de la Constitution. Cependant, il apparaît de toute évidence avec la décision du 21 avril 2005 que cette prise de position du Président du Conseil constitutionnel n'a eu qu'une portée limitée, ce qui n'en fait qu'une amorce partielle d'une nouvelle jurisprudence. [...]