Les origines et l'histoire de la décentralisation en France, colloque à l'Institut d'études politiques de Paris
Résumé de l'étude de cas
L'objet de ce document est de rapporter les éléments de langage pour le colloque "Les origines et l'histoire de la décentralisation" qui s'est tenu à l'Institut d'études politiques de Paris. Parce que la France de l'Ancien régime était une mosaïque de territoires disposant chacun de leur organisation propre (héritée des coutumes et des privilèges issus de l'histoire constitutive du royaume ou accordés par le monarque à son aristocratie), la Révolution française se construit autour de la volonté d'unifier l'organisation territoriale. Lors de la nuit du 4 août 1789, l'Assemblée constituante abolit les privilèges, en particulier ceux accordés aux provinces, villes et communautés d'habitants.
Les lois des 14 et 22 décembre 1789 fixent des cadres territoriaux dont beaucoup sont encore en place aujourd'hui : les départements, les districts, les cantons, les villes et les villages. L'Assemblée constituante consacre le principe (intangible depuis), selon lequel tous les Français doivent être soumis à une administration unique sur l'ensemble du territoire national (qui deviendra "la République indivisible", toujours mentionnée dès les premiers mots de l'article 1er de notre actuelle Constitution).
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Sommaire de l'étude de cas
Un État qui se constitue de manière très centralisée, pour instaurer l'égalité
Un pouvoir central qui se renforce, pour assurer son autorité
La IIIe République amorce une timide décentralisation, très encadrée par le contrôle de l'État
1982-2002 : la décentralisation acte 1, pour davantage de démocratie et de proximité
2002-2012 : la décentralisation acte 2, motivée par une volonté de rationalisation de la dépense publique, se traduit surtout par un désengagement de l'Etat
2012-2017 : la modernisation avortée de l'action publique territoriale
Extraits de l'étude de cas
[...] Elle crée un élu commun au département et à la région, le conseiller territorial, dans le but de rationaliser les relations entre ces deux collectivités. Elle supprime la clause de compétence générale pour les départements et les régions. - La situation financière des collectivités territoriales est par ailleurs significativement impactée, dans cette période, par la suppression précipitée de la taxe professionnelle dans la loi de finances pour 2010, consécutivement à une annonce télévisuelle du président de la République, qui prend alors tous les acteurs de cours. [...]
[...] - Il est sans doute trop tôt pour évaluer les effets de la volonté de modernisation de l'action publique territoriale. On peut néanmoins observer que la longue période de réforme (2010-2016), faite de stop- and-go (création puis suppression du conseiller territorial, suppression puis rétablissement, puis de nouvelles suppressions de la clause de compétence générale, modifications successives de périmètres de coopération intercommunale ) a généré une forme d'attentisme de la part des élus locaux, peu propice à la tenue de l'objectif de rationalisation des politiques et de la dépense publique. [...]
[...] - Face aux collectivités territoriales puissantes que sont désormais les régions, les départements et les villes, le législateur commence alors à se préoccuper du sort des très nombreuses petites communes qui font la spécificité de l'organisation institutionnelle française. Là où la Révolution française avait consacré l'existence d'environ 44?000 communes, il en demeure plus de 36?000 au début des années 1990 (soit près de la moitié des 75?000 communes que compte l'Union européenne). Parmi ces 36?000 communes, plus de la moitié comptent moins de 500 habitants et n'ont pu pleinement profiter de la dynamique décentralisatrice, faute de moyens humain et financier. [...]
[...] À ces difficultés structurelles, s'ajoutent les risques liés à la mise sur le marché de produits bancaires résultant de la libéralisation du marché du crédit. Certaines collectivités se trouvent ainsi piégées par les effets de ce que l'on appellera bientôt les «?emprunts toxiques?». - Cette situation de grande fragilité des finances locales, conjuguée aux effets dévastateurs sur les finances publiques de la crise des subprimes de 2008, conduit désormais à la recherche de rationalisation de la dépense publique des collectivités territoriales. [...]
[...] - La République française n'étant pas un État fédéral, son organisation décentralisée est néanmoins encadrée par quelques principes fondamentaux. La libre administration des collectivités locales ne saurait remettre en cause l'unité de l'ordre juridique national (ce qui justifie le contrôle de légalité). - Dans les années qui viennent, les principaux enjeux de la décentralisation pourraient être une amélioration de la démocratie locale, une meilleure lisibilité pour les citoyens qui passe par une clarification et une simplification des relations avec l'État et entre les différentes collectivités elles-mêmes (dont le nombre de niveaux pourrait être réduit), tant du point de vue des compétences que de leur financement. [...]