" Si l'on veut savoir ce que pensent les gens, quelles ont été leurs expériences, et ce qu'ils se rappellent, quels sont leurs sentiments et leurs motivations ainsi que les raisons de leurs actions, pourquoi ne pas le leur demander ? "
G. W. Allport
" Je me suis efforcé de lutter contre les nouvelles stratégies suicidaires inspirées aux entourages [de l'Elysée] par des sondages de popularité trompeurs. " Cette phrase de Philippe Séguin (dans sa lettre de démission de la présidence du RPR) stigmatise à elle seule bon nombre des problèmes posés par les sondages politiques : leur fiabilité (" trompeurs "), leur utilisation par des " marchands de la politique " - souvent issus de Science-Po - et les stratégies qu'ils suscitent. Sept instituts de sondages publient régulièrement des enquêtes d'opinion publique dans la presse française. Outre l'aspect oligopolistique de ce " marché ", il faut signaler, avant d'entrer dans le vif du sujet, que 80 % du chiffre d'affaires de ces instituts est constitué par des études de stratégie en marketing économique. Précisons aussi qu'un sondage moyen vaut environ 100.000 F et interroge mille lecteurs, en général. Comme nous le verrons, le sondage politique est d'abord soumis à une logique de presse qui privilégie l'actualité au détriment des évolutions les plus profondes. Autrement dit, le " produit " sondage est déterminé par le demande solvable. On est là clairement à la frontière entre science, économie et politique. Avant de traiter ce sujet, il faut préciser que nous allons être amenés à employer des généralisations (les journalistes, les hommes politiques_) ; il ne s'agit pas d'un dénigrement global de ces professions ou d'un discrédit général jeté sur ces métiers essentiels à l'exercice de la démocratie. C'est uniquement par commodité de langage que nous y auront recours.
Les effets de la croyance ou le sondage comme arme symbolique
Réconcilier sondages et démocratie ?
Extraits de l'exposé
[...] En guise de transition, constatons que les débats sur les sondages ont, dès l'origine, posé le problème en terme de " croyance " : " croire aux sondages De fait, il n'est pas faux de dire que cette pratique s'est développée parce que les acteurs du champ politico-journalistique ont été de plus en plus nombreux à avoir un intérêt à y croire. A condition toutefois de donner un sens large à cette " croyance " : il ne s'agit pas (ou pas seulement) d'une croyance en la fiabilité de cette technique mais plus généralement de la croyance en son avenir, en la nécessité d'y investir du temps et de l'argent, en l'intérêt de faire trancher nombre de problèmes par ce type rudimentaire d'enquête. S'interroger sur " les sondages peuvent-ils se tromper ? [...]
[...] Autrement dit, le " produit " sondage est déterminé par le demande solvable. On est là clairement à la frontière entre science, économie et politique. Avant de traiter ce sujet, il faut préciser que nous allons être amenés à employer des généralisations (les journalistes, les hommes politiques_) ; il ne s'agit pas d'un dénigrement global de ces professions ou d'un discrédit général jeté sur ces métiers essentiels à l'exercice de la démocratie. C'est uniquement par commodité de langage que nous y auront recours. I. Les sondages peuvent-ils se tromper? [...]
[...] Souchier & Jeanneret Tyrannie des sondages in Le Monde diplomatique, Mars 1995. [...]
[...] " occulte une autre question : est-il politiquement intéressant de faire faire en permanence des sondages et surtout, est-il nécessaire de poser comme enjeu politique l'occupation d'une bonne position dans ce nouvel espace de jeu. Bref, est-il nécessaire qu'en politique, en dehors des expressions déjà existantes de l'opinion (élections, manifestations, pétitions_), des sondages soient quotidiennement réalisés pour juger tous les faits et gestes des acteurs politiques afin de savoir à qui, comme disent les journalistes, le peuple " donne raison II. [...]
[...] Science politique ? Les sondages sont avant tout une " science pour l'action " c'est-à-dire que peu de place y est accordé à l'analyse, à la réflexion critique Balladur Jospin Le Pen Cette " discipline " n'a aucune autonomie institutionnelle. Elle n'a pas non plus l'autonomie intellectuelle des disciplines scientifiques qui ont, elles, leurs problématiques coupées de celles du sens commun (Cf plus haut). Les données ainsi produites dans l'urgence ne sont jamais intégrées dans une véritable théorie scientifique. Autrement dit, les sondages sont des produits conjoncturels marqués par les problématiques d'un moment donné. [...]