Gilles Aillaud affirme qu'il est des pièces qui ne sont pas à « représenter mais à lire »
Résumé de l'exposé
Lorsque l'on évoque le théâtre, la plupart des personnes s'imaginent immédiatement une ambiance particulière et propre au genre, de grands décors, des costumes flamboyants. L'étymologie grecque du mot même, theatron, « l'enceinte destinée au public », confirme cette vision. Et pourtant, leur expérience de spectateur est beaucoup plus réduite que leur vécu de lecteur. Ce phénomène s'explique pour une raison matérielle évidente : l'écrit est un vecteur de diffusion bien plus large que la simple représentation théâtrale, qui ne draine que quelques centaines de spectateurs. Le propos de Gilles Aillaud va plus loin encore : selon lui certaines pièces ne seraient même pas à « représenter mais [uniquement] à lire ». Mais parle-t-il en tant que scénographe, confronté à la difficulté matérielle de mettre en place les décors de certaines scènes ou envisage-t-il qu'un auteur puisse écrire une pièce de théâtre qui ne soit pas destinée à être représentée ? Ou plus généralement, l'essence même du théâtre est-elle d'être vue ou d'être lue ? Nous verrons d'abord pourquoi une pièce de théâtre peut être immédiatement associée à la représentation. Puis nous nuancerons cette étude en examinant les arguments en faveur de la lecture seule d'une ?uvre théâtrale. Cependant, nous verrons, dans une troisième partie, que les relations entre représentation et lecture sont souvent complexes et indissociables.
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Sommaire de l'exposé
Une pièce de théâtre peut être immédiatement associée à la représentation
Les arguments en faveur de la lecture seule d'une 'uvre théâtrale
Les relations entre représentation et lecture sont souvent complexes et indissociables
Extraits de l'exposé
[...] Lecture et représentation sont donc inévitablement complémentaires. [...]
[...] Chacun rit pour les mêmes blagues, le fait seul d'avoir décidé de venir assister à cette pièce-ci suffit aux spectateurs à se trouver des affinités, à se sentir bien au milieu de ces gens qu'ils ne connaissaient pas quelques minutes auparavant et qu'ils ne rencontreront jamais plus sans doute. Enfin, représenter c'est renouveler sans cesse une même pièce, la faire redécouvrir au public, selon la sensibilité à chaque fois singulière du metteur en scène. Cette définition de la représentation implique une évolution constante du théâtre et de sa mise en scène. [...]
[...] Au cours du temps, le théâtre a donc atteint différents statuts, qui l'ont parfois empêché d'être joué en public. La lecture simple de la pièce s'est alors révélée à chaque fois comme une alternative évidente puisque ce qui ne pouvait pas être mis en scène était néanmoins facilement imaginable et émouvant pour le lecteur. Quelle que soit sa fonction, quel que soit son statut, le théâtre reste un genre littéraire, donc écrit. Quelle pièce n'a pas été rédigée avant d'être jouée ? [...]
[...] Mais tout le monde est-il sur un même pied d'égalité face à la lecture ou à la représentation d'une pièce ? Molière, l'un des plus grands dramaturges français du XVII siècle, prit clairement position sur ce problème dans la préface de L'Amour médecin en écrivant : Tout le monde sait que les comédies ne sont faites que pour être jouées et je ne conseille de lire celles-ci qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu du théâtre Il fait ainsi un parallèle avec la Musique, puisque seuls les musiciens avertis peuvent entendre réellement la musique et ne pas lire seulement les notes lorsqu'ils déchiffrent une partition. [...]
[...] Une fois de plus, cet exemple nous montre que lecture et représentation sont indissociables. Dans certaines pièces, comme Bérénice de Racine cette association spectacle- lecture va même jusqu'à devenir obligatoire, puisque Gilles Aillaud pense que dans la mise en scène de Grüber, les acteurs ne bougeaient pas beaucoup et que c'est en définitif plus le décor que les acteurs qui apportait le mouvement Enfin, la lecture d'une pièce permet à chacun d'apprécier mieux encore le jeu des acteurs, le travail de mise en scène et de se rendre compte de ce que chacun apporte réellement à la pièce. [...]