« Quand le travail fait mal », l'évolution de la souffrance au travail
Résumé de l'exposé
Avant d'être une activité libératrice, le travail apparaît originellement tel une contrainte. Condamnation divine pour avoir tenté de goûter au fruit de la connaissance, il est présenté dans les écrits bibliques comme quelque chose de pénible. L'étymologie de ce terme, d'origine latine, renvoie à un instrument de torture : le Tripalium. Le mot évolua ensuite pour être associé au tourment et à la souffrance qu'endure la femme qui enfante.
Il semble que les qualificatifs qui lui sont associés depuis trente-cinq ans ont considérablement évolué mais gardent encore une dimension de souffrance. Cette dernière est un phénomène qui existe depuis toujours et qui n'est pas près de disparaître dans la mesure où la souffrance apparaît sous des formes différentes, en fonction notamment de l'évolution des conditions de travail et des modes d'organisation.
Dans la pensée populaire, le travail a souvent été synonyme de souffrance physique alors que la dimension psychologique semble n'être apparue que récemment (I). Néanmoins, cette évolution n'est pas normative : le passage à de nouveaux modes d'organisation du travail depuis les années 70 n'a pas conduit à une diminution significative de la souffrance physique, ni à une hausse de la dimension psychologique (II)
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Sommaire de l'exposé
Une évolution historique de la souffrance au travail en lien avec l'évolution des conditions de travail et des modes d'organisation du travail
Jusqu'aux années 60-70 : l'OST symbole de la souffrance physique
Depuis les années 60-70 : le post taylorisme symbole de la souffrance psychologique
Une évolution non normative des formes de souffrance au travail
Une souffrance psychologique déjà existante durant l'OST et qui perdure
Une souffrance physique qui subsiste aujourd'hui : La permanence d'un travail taylorisé
Extraits de l'exposé
[...] Le cas des étudiants travaillant dans les fast food (V. Pinto, D. Carton et G. Burnod) : Dans ces restaurants les signaux des machines en cuisine fonctionnent comme des incitations à accélérer le rythme de travail et permet d'accentuer le contrôle du travail exercé par les pairs et la hiérarchie. Parallèlement, être face à un client est une contrainte en soi : les caissiers éprouvent ainsi de manière très forte cette contrainte qui se traduit par des altercations fréquentes avec les clients, des remarques désobligeantes, notamment sur la rapidité du service fourni. [...]
[...] Alonzo, Les rapports au travail et à l'emploi des caissières de la grande distribution. [...]
[...] Néanmoins cette organisation post- taylorienne, censée améliorer les conditions de travail, a également conduit à des effets pervers. En effet, l'augmentation des responsabilités et de l'autonomie, valorisant la polyvalence et la flexibilité, conduit à un accroissement du stress et des pathologies qui lui sont rattachées : eczéma, migraine, problèmes intestinaux Aujourd'hui, la flexibilité de l'emploi marque fortement le monde du travail. L'entreprise exige de ses salariés une polyvalence de compétences, lui permettant de redéployer son personnel là où est le besoin et une flexibilisation du temps de travail en fonction de l'intensité de l'activité de l'entreprise. [...]
[...] Le travail est ainsi dépourvu de son sens. Cette idée est fortement développée dans des ouvrages tels que Le travail en miette de G. Friedmann (1964), Travail et usure mentale de C. Dejours (2000) ou encore au travers de la critique de Chaplin dans Les temps modernes On peut y observer une limitation drastique de l'autonomie des travailleurs mettant en péril l'équilibre de l'organisme des ouvriers en leur imposant des gestes décomposés et répétitifs, mais aussi leur équilibre psychologique face à la monotonie des postures et du travail en lui même. [...]
[...] Ce phénomène induit une pression supplémentaire sur le salarié et entraine de ce fait l'apparition, voire la montée des souffrances psychologiques liées au travail. On observe également le développement d'un management par les objectifs basé selon Serge Volkoff[2] sur la maxime "Citius, altius, fortius"[3], la devise du travailleur moderne. Cet auteur a analysé les questions relevant des conditions de travail et de santé dans l'activité professionnelle. Le management par objectifs ajoute une pression supplémentaire : l'individu ne travaille pas en respectant une cadence ou des horaires, mais doit réaliser une performance dont le niveau exigé est de plus en plus élevé. [...]