Dans cette analyse faite par François Dubet, plusieurs points semblent essentiels, dont le problème du rôle de l'école dans la lutte ou la contribution de cette dernière à la reproduction sociale. Pendant un temps on a cru qu'elle pourrait être un moyen d'atténuer voir de supprimer les logiques de sélection sociale prédéterminées, mais les espérances se sont transformées en désillusions (I). Quelles sont donc les réelles responsabilités de l'école dans son inefficacité à traiter en interne les inégalités de l'extérieur ? Mais la question n'est-elle pas également de savoir si l'on en demande pas trop à l'école, dont le rôle principal est avant tout de diffuser des connaissances, de faire naître un esprit critique, et non pas de « faire du social », comme le fait jouer le rôle des parents absents de l'éducation de leurs enfants ? (II)
...
Sommaire de la fiche de lecture
L'école, moyen de lutte contre la reproduction sociale ?
Des espérances aux désillusions
L'école aujourd'hui : un décalage entre les aspirations à l'égalité et la réalité des inégalités
Quelles responsabilités et remises en cause nécessaires ?
Les responsabilités de l'appareil scolaires et autres explications
L'école n'est pas la seule responsable
Extraits de la fiche de lecture
[...] Le destin d'un futur ouvrier passe désormais par l'échec scolaire. Est-ce pour autant ce qui va remettre en cause les inégalités de classe face au travail ? On constate la dévalorisation des plus faibles, avec une surévaluation du poids du diplôme et de la hiérarchie haut/bas qui s'instaure dans le classement des élèves. C'est non seulement vers un avenir d'ouvrier que se dirigent ces derniers, mais avec en plus la conscience d'avoir échoué. La solidarité ouvrière n'intervient plus comme avant puisque la faute est transmise de la structure sociale vers l'acteur lui-même. [...]
[...] Mais s'ils avaient le choix de réussir dans un autre domaine, ne saisiraient-ils pas leur chance ? II. Quelles responsabilités et remises en cause nécessaires ? A. Les responsabilités de l'appareil scolaires et autres explications Les raisons d'une telle inefficacité comparativement aux espérances qui étaient mises dans l'école sont multiples. La première est sans doute celle mise en évidence par Pierre Bourdieu dans son tandem avec Jean-Claude Passeron dans leurs deux ouvrages consacrés à l'école : Les héritiers (Minuit, 1964), puis La reproduction (Minuit, 1970). [...]
[...] Le Pape et P.-A. Grosbras (division sociale de l'espace et inégalités de scolarisation, rapport de recherche, ministère de l'équipement et du logement : La force et l'augmentation de la relation entre CSP, nationalité et nombre d'enfants confirment l'apparition de puissants processus ségrégatifs En définitive la scolarisation est de plus en plus polarisée ce qui créer une forme de ghettoïsation spécifique à une population particulière. Comment dans ces conditions espérer pouvoir lutter contre la reproduction sociale, même si celle si n'a plus exactement les mêmes caractéristiques que dans le passé dans le sens où la question ouvrière est devenue une question socialement et géographiquement plus ciblée autour de nouvelles classes populaires ? [...]
[...] Pour Bourdieu (La misère du monde) les banlieues sont soumises à la démission de l'Etat. Et c'est à l'école qu'il revient de prendre en compte le traitement de tous les maux engendrés par des processus de ségrégation sociale. L'école est accusée d'être responsable du chômage, de la crise des valeurs La montée en puissance des questions urbaines et des politiques de la ville a contribué à ce phénomène. En effet, la question scolaire c'est progressivement diluée dans le traitement social des quartiers en difficulté. [...]
[...] Il y a donc concrètement eu des répercutions sur la reproduction sociale avec une augmentation de la mobilité sociale constatée statistiquement ces trente dernières années. Mais ces points positifs sont à mettre en perspective avec la dislocation de la classe ouvrière. Non pas que celle-ci permette une meilleure réussite à l'école, mais parce qu'elle est symptomatique d'une évolution profonde de la société, avec un déplacement progressif de la misère et de la précarité vers de nouvelles classes populaires. Il n'est donc plus légitime de parler d'une question ouvrière au sens strict. [...]