Le multiculturalisme est-il un différentialisme ou un universalisme ? Emmanuel Todd : le destin des immigrés
Résumé de la fiche de lecture
Le multiculturalisme et le concept d'intégration républicaine à la française sont souvent opposés l'un à l'autre. Vu de France, le multiculturalisme, en particulier anglo-saxon, s'apparente à un différentialisme. Après avoir défini les termes centraux du débat, on verra qu'opposer les deux modèles est quelque peu simpliste en ce que le multiculturalisme peut porter en lui certaines caractéristiques de l'universalisme de même que le modèle d'intégration à la française peut lui aussi déboucher sur un différentialisme. Si les concepts sont clairs et antagonistes théoriquement, les faits ont tendances à les rapprocher. Ce qui n'est pas sans conséquences puisque si le multiculturalisme est un universalisme, la vision française souvent négative du modèle anglais doit être remise en question puisque celui-ci ne serait qu'une variante d'un modèle commun. La définition du multiculturalisme se rapproche-t-elle plus de celle d'universalisme ou de celle de différentialisme ? Autrement dit le multiculturalisme est-il un différentialisme ou un universalisme ? Pour répondre à cette question, on s'appuiera sur Le destin des immigrés d'Emmanuel Todd, étude comparative des cas anglais, allemand et américain confrontés à l'universalisme français.
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Sommaire de la fiche de lecture
Le multiculturalisme, un modèle souvent opposé à celui d'intégration à la française
Le modèle multiculturaliste anglo-saxon est souvent opposé à celui d'intégration à la française
Fondements historiques et sociologique du multiculturalisme
Dans les faits, cette distinction n'est pas si claire et tend à s'estomper
L'universalisme du multiculturalisme
Le différentialisme de la notion d'intégration républicaine
Extraits de la fiche de lecture
[...] Le premier système universaliste en Europe remonterait à l'édit de Caracalla, en 212 après Jésus-Christ, celui- ci accordant à tous les hommes libres de l'Empire le droit de cité romaine (page 15). La reconnaissance d'une âme aux Indiens met en évidence, toujours selon Todd, l'existence d'un universalisme ibérique La Révolution française, quant à elle, donne naissance à la notion d'un homme universel absolu (page15). Le communisme marque, selon Todd, le quatrième et dernier grand moment universaliste sur le continent européen. [...]
[...] Le différentialisme de la notion d'intégration républicaine Si faire du multiculturalisme un différentialisme pur est quelque peu simpliste, traiter de l'intégration républicaine - modèle que l'on a coutume d'opposer au multiculturalisme - un universalisme pur, est aussi réducteur. On assiste ainsi à une crise des institutions censées intégrer en France. L'école ne remplit pas toujours son rôle intégrateur, on en veut pour preuve l'existence de collèges et lycées principalement fréquentés par des populations d'origines étrangères, les Français de souche ayant quitté ces quartiers ou ayant détourné la carte scolaire. [...]
[...] Depuis cette période, un changement a eu lieu, l'Angleterre ayant opté pour le modèle multiculturaliste qui n'est non plus vraiment un différentialisme mais une idéologie de la différence La différence entre l'idéologie de la différence et le différentialisme réside dans le fait que le premier s'il reconnaît des différences entre les groupes humains ne les hiérarchise pas pour autant. Le multiculturalisme n'est donc pas à proprement parler un différentialisme puisqu'il perd la dimension hiérarchisante de celui-ci mais l'héritier du différentialisme hiérarchisant. Le multiculturalisme en plus de ne pas être à proprement parler un différentialisme peut être interprété comme un universalisme de la différence en ce qu'il soutient que les différents groupes ethniques sont différents. [...]
[...] Concrètement le multiculturalisme se traduit par l'existence au sein d'un même pays d'une multitude de communautés cultivant leur supposée culture. La reconnaissance des différences de chaque groupe serait, selon l'approche multiculturaliste, un gage de paix sociale. Un pays comme la France a opté pour un modèle, en théorie, totalement opposé au multiculturalisme. En effet, la notion d'intégration républicaine, processus par lequel un individu s'incorpore à un milieu, à une collectivité. Ce processus découle directement des grandes valeurs des républicains. L'égalitarisme, première valeur, refuse les politiques différentialistes et les visions ethniques de la société. [...]
[...] La différence étant une caractéristique commune à tous, le multiculturalisme peut être interprété comme étant un universalisme. Emmanuel Todd, soulève le paradoxe suivant : les sociétés différentialistes peuvent être de formidables machines à assimiler (page 14) dans la mesure où la désignation d'une minorité comme porteuse de l'idée de différence permet d'effacer toutes les autres différences, de redéfinir les autres minorités comme équivalentes à l'ethnie dominante et assimilables Si le multiculturalisme n'est pas un universalisme à proprement parler mais bien, à certains égards, un universalisme de la différence il n'en reste pas moins qu'il enclenche un processus d'assimilation propre lui à l'universalisme. [...]