Nations et nationalismes en Europe centrale - Bernard Michel
Résumé de la fiche de lecture
Cette étude débute sur l'importance de l'imaginaire du sang, l'auteur remet en question l'idée de la nationalité basée sur les races, qui a une faible portée en Europe centrale en raison de l'importance de la philologie qui est au fondement des études sur les nationalités d'Europe centrale, mais aussi entre autres de l'imbrication profonde des différentes populations. Il faut cependant remarquer que le symbole du sang est de grande importance, cela reste le sang des ancêtres, le sang versé pour la patrie et aide à fonder un imaginaire national commun.
Imaginaire de la langue : « au commencement était le mot » c'est sur cette citation de Vladimir Minac, que Bernard Michel débute ce chapitre, ce qui permet de bien saisir à quel point la reconnaissance d'une langue est au fondement même de l'éveil national. L'auteur remonte au Siècle des Lumières, expliquant le recul du latin, langue de l'aristocratie, qui a permis un renforcement des langues nationales. Il insiste sur le caractère pacifique de cet éveil national qui sera malmené par les révolutions de 1848. La langue devient alors un enjeu essentiel, car facteur de contrôle des nationalités, ce qui se concrétise parfois par des politiques répressives des langues minoritaires. Bernard Michel tente d'expliquer en quoi il y a surestimation de l'importance des langues. Il fait alors état de différents phénomènes, notamment le dénigrement des langues minoritaires ou encore l'importance de la coexistence des langues notamment à travers l'exemple des couples mixtes. La défense de la langue est un caractère essentiel de la nationalisation elle devient même dans certains cas un « devoir devant Dieu », mais Bernard Michel insiste sur le multilinguisme qui règne en Europe centrale, et remet en question son caractère sacré.
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Sommaire de la fiche de lecture
Un ouvrage didactique
Un ouvrage politique
Un ouvrage visionnaire ?
Extraits de la fiche de lecture
[...] On a donc pu voir la grande portée politique de cet ouvrage, de même qu'on voit qu'il est profondément lié aux évènements politiques contemporains de sa rédaction. On peut en outre remarquer que malgré les 13 ans qui nous séparent de sa publication, la plupart des problèmes qu'il soulève sont toujours d'actualité. En effet l'entrée des pays d'Europe centrale et orientale dans l'Union européenne signifie-t-elle une réunion de l'Europe ainsi que l'avaient espéré de nombreux intellectuels à la sortie du communisme ? La fin de la Guerre de Bosnie Herzégovine, en 1995 entame-t- elle une période de paix pour les pays d'Europe centrale ? [...]
[...] un ouvrage didactique Pour bien comprendre cet ouvrage de Bernard Michel, il faut prendre en compte le contexte dans lequel il a été écrit. En effet, il n'est pas innocent de voir un ouvrage sur les nationalismes en Europe centrale, publié cinq ans après la chute du communisme et dans une période de grands troubles politiques dans les anciennes démocraties populaires. En effet, dans le contexte des guerres de Yougoslavie, de Croatie, de Bosnie Herzégovine, le réveil des sentiments nationaux dans ces pays préoccupe toute l'Europe. [...]
[...] Bernard Michel explique l'importance du mythe de l'insurrection très présent dans les pays d'Europe centrale, par une subsistance de cette opposition noble/roturière. L'imaginaire politique se construit, dans la première moitié du XIXe plus par le biais de ces mythes, voire d'un certain messianisme en Hongrie ou en Pologne, que par une véritable pratique de la politique par les élections. Malgré la politisation progressive politisation des sentiments nationaux qui se concrétise notamment par la multiplication des partis au cours du siècle, l'imaginaire politique relève principalement du sentiment d'appartenance à un monde slave ou germanique. [...]
[...] Les luttes nationales du XXe siècle sont dues pour lui à une déformation des nationalismes par les totalitarismes. À travers son étude sur les relations anciennes entre socialisme et nationalisme, Bernard Michel dénonce la mise en place d'un faux fédéralisme affirmant officiellement la bonne représentation des nations alors qu'il voulait l'anéantissement des sentiments nationaux ce qui passe notamment par la suppression des réseaux de sociabilité. Avec la montée des totalitarismes et d'une conception raciste de la nation, les modes de coopération internations se trouvent mis à mal et certains Européens cherchent alors une solution de facilité qu'ils pensent trouver dans de massifs transferts de populations qui s'aggraveront pendant la 2e Guerre mondiale. [...]
[...] La construction du chapitre sur la langue est révélatrice de l'ensemble de l'ouvrage, car elle se fait dans l'optique de pousser le lecteur à abandonner ses idées reçues sur le nationalisme en Europe centrale. Ainsi, on peut noter l'absence de référence à des intellectuels qui ont participé à la régénération de la nation, par la modernisation, voire construction de la langue nationale. On peut citer les ?uvres de Jan Blahoslav qui, dès le XVIe siècle entreprend une rénovation de la langue tchèque par le biais de traduction de psaumes, ou encore du Nouveau Testament (1564) dans la langue tchèque, on notera surtout le Traité de Grammaire tchèque (1571) publié à Vienne en 1857 La place de ces intellectuels est donc essentielle dans la construction nationale, ils constituent la première phase de cette construction. [...]